Sélection clonale
La sélection clonale est une démarche d’évaluation des caractéristiques agronomiques, sanitaires et œnologiques d’un certain nombre de ceps choisis pour leurs spécificités dans des parcelles de vignes, permettant de valoriser la diversité naturelle des cépages. Son objectif est d’obtenir des plants de vigne non porteurs de viroses et dont les aptitudes culturales donnent une production régulière et favorisent l’obtention de vins correspondants aux besoins des viticulteurs.
Description
La sélection clonale consiste à choisir, lors de prospections dans de vieilles parcelles de vigne ou dans des conservatoires de clones, des souches dont le comportement pourrait répondre le mieux possible aux besoins des viticulteurs. Après la réalisation de tests sanitaires vis-à-vis de certaines viroses (court-noué, enroulements), les individus sains sont évalués d’un point de vue agronomique et œnologique. Les clones ainsi caractérisés, indemnes de viroses, sont conservés au Pôle Matériel Végétal de l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) au Domaine de l’Espiguette (30), qui est le conservatoire national, puis multipliés après agrément et mis à la disposition des pépiniéristes. A terme, ces derniers peuvent les fournir à leurs clients.
La sélection clonale repose sur une procédure longue et rigoureuse, faisant appel à des compétences variées, à des techniques et des équipements spécifiques. Depuis les prospections jusqu’à l’agrément d’un clone et sa multiplication, il se passe en moyenne 12 ans. Elle est pilotée par le Pôle Matériel Végétal de l’IFV de façon coordonnée avec le GEVES (Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés Et des Semences) avec le concours des 36 partenaires régionaux de la Sélection Vigne Française[1].
Objectifs
- Amélioration et diversification du matériel végétal vigne, tout en conservant les caractéristiques et l’identité des cépages.
- Valorisation du patrimoine des variétés de vigne grâce à la qualité sanitaire des plants et à la diversité des raisins et des vins.
- Proposer aux viticulteurs des clones qui correspondent le plus à leurs besoins.
A titre d’exemples, à ce jour : 47 clones de Pinot noir, 31 clones de Chardonnay et 23 clones de Grenache sont agréés[1]. Pour des variétés plus confidentielles, on trouvera bien souvent 1 à 2 clones agréés comme pour le Tibouren ou l’Aubun par exemple.
Mise en place
Identification
Pour identifier les ceps correspondants aux attentes, il faut réaliser une prospection dans de vieilles parcelles de vigne ou dans des conservatoires de clones : cette toute première étape consiste en la sélection et la description ampélographique des souches choisies. Ces observations sont réalisées du printemps jusqu’aux vendanges. Durant l’hiver, les sarments des souches marquées sont prélevés et sont ensuite introduits dans le centre de sélection clonale de l’IFV.
Sélection sanitaire
La sélection sanitaire consiste à vérifier l’absence de viroses (court-noué et enroulements pour tout le matériel + virus de la marbrure pour les porte-greffes). Selon la destination de la variété (à raisins ou porte-greffe), les exigences diffèrent.
Différentes techniques peuvent être utilisées, la plus courante consiste à faire les tests ELISA (Enzyme Linked Immuno Sorbent Assay). C’est une technique sérologique basée sur la réaction anticorps (sérum) - antigène (virus). L’ajout d’une enzyme aux anticorps permet de révéler la présence du virus par une réaction colorée si celui-ci est présent dans l’échantillon à tester
Sélection génétique
La sélection génétique est obligatoire et complémentaire de la sélection sanitaire. Elle consiste à évaluer les performances agronomiques et œnologiques des clones candidats. Des parcelles d’étude comportant un certain nombre de répétitions sont établies suivant un protocole précis (INRAe-IFV-CTPS), et permettent de comparer le comportement du ou des candidats avec au moins un clone témoin déjà connu ou pour une première sélection un cépage représentatif du bassin de production.
Elle se réalise en cinq étapes, effectuées à la fois à l’IFV et dans la région d’origine du clone de vigne, en collaboration avec les partenaires locaux de l’IFV constitués de Chambres Départementales d’Agriculture, de Comités Interprofessionnels, d’associations ou de syndicats viticoles.
Les 5 étapes de la sélection génétique
- Prospection dans des vieilles parcelles de vigne ou dans des conservatoires de clones : Voir Identification.
- Culture en conteneurs : Après un premier tri sanitaire effectué par tests ELISA, chaque clone sain introduit est cultivé dans un conteneur individualisé. Les bois prélevés pourront être utilisés pour la suite de la sélection sanitaire (indexage) et pour confectionner les plants destinés à l’évaluation agronomique au vignoble.
- Collection d’études : Il s’agit d’une parcelle expérimentale, mise en place dans la région d’origine du cépage, dont l’objectif est le suivi viticole des clones (pendant 5 ans, phénologie, fertilité, rendement, vigueur, contrôle de maturité) et œnologique (vinifications et dégustations en jury professionnel et jury expert pendant au moins 3 millésimes).
- Analyse des données et demande d’agrément : Après analyse et synthèse de l’ensemble des données obtenues et après consultation de ses partenaires, l’IFV et/ou ses partenaires demandent l’agrément des clones jugés intéressants pour la filière auprès du GEVES, en coordination avec la section vigne du CTPS (Comité Technique Permanent de la Sélection). Cette dernière rend un avis que le Ministère de l’Agriculture entérine dans la plupart des cas. Le clone se voit alors attribuer un numéro d’agrément officiel par FranceAgriMer, dont la multiplication peut commencer chez les pépiniéristes.
- Parcelles de comportement : Il s’agit de parcelles dont l’objet est l’étude de clones agréés, dans un site donné, en vue de comparer leurs caractéristiques culturales et leurs aptitudes technologiques, en fonction des facteurs du milieu. Le suivi de ces parcelles permet principalement la diffusion de conseils d’utilisation auprès des viticulteurs de la région considérée. C’est également une source précieuse de références agronomiques fiables[1] [2].
Une fois les clones agréés, l’étape de la multiplication pour obtenir les plants certifiés peut commencer.
Multiplication
Ce processus a pour objectif de produire suffisamment de matériel végétal présentant le maximum de garanties sanitaires et agronomiques (certification) pour alimenter la viticulture française par l’intermédiaire des pépiniéristes viticoles. A partir de la tête de clone, la filière organise un processus pyramidal de multiplication passant par trois catégories de matériel.
Le matériel initial
Il est produit à partir des têtes de clone (5 à 10 souches). Les greffés-soudés (ou les racinés pour les porte-greffes) qui en sont issus permettent l’installation de parcelles de prémultiplication. Ces dernières sont exclusivement implantées chez des établissements agréés (14 en France), sur des parcelles qui doivent être vierges de vigne depuis plus de 20 ans.
Le matériel de base
Issu de la prémultiplication, ce matériel est utilisé pour implanter des vignes-mères de greffons ou de porte-greffes chez des pépiniéristes ou des vignerons multiplicateurs. Le repos du sol est dans ce cas de 10 ans minimum, et l’ensemble du matériel doit avoir été traité à l’eau chaude avant la plantation (bain à 50 °C pendant 45 minutes), dans le cadre de la lutte prophylactique contre le phytoplasme de la flavescence dorée.
Matériel certifié
Ces vignes permettent la production massive de matériel certifié (greffons et porte-greffes), mis en œuvre par les pépiniéristes pour répondre aux besoins de la viticulture.
Cette méthode permet d’obtenir des quantités significatives de matériel. Un contrôle drastique est effectué à chaque niveau, tant sur les établissements que sur le matériel lui-même, offrant à la filière une sécurité sanitaire et des garanties de traçabilité pour le matériel végétal certifié qui lui est distribué[3].
Le travail de sélection clonale constitue-t-il un gage de fiabilité et de qualité ?
Tel qu’il est réalisé en France, ce travail de sélection peut apparaître lourd, fastidieux et très long. Cependant, cette durée et le fait que les travaux soient effectués par des organismes publics ou des structures collectives, sans intérêt commercial à court terme, constituent indéniablement un gage de fiabilité et de qualité des sélections. Sur le long terme, on peut souligner l’effet cumulatif de ce travail : sauf déclassements ponctuels de certains clones en fonction de l’avancée des connaissances, toutes les sélections anciennes restent maintenues et disponibles, et la gamme de diversité sélectionnée et multipliable ne fait que s’étoffer au cours du temps. Cette qualité des évaluations ainsi que la pérennité des suivis du matériel dans le temps ont d’ailleurs fortement contribué à la reconnaissance et au succès du matériel végétal français à l’étranger[4].
Risques
La sélection clonale réduit-elle la diversité génétique des cépages ?
La multiplication d’un nombre réduit d’individus, parmi une population donnée, peut aboutir à ce résultat, si toutefois une réelle diversité existe dans la variété considérée. La sélection clonale a plutôt vocation à représenter la diversité génétique des cépages, ce qui nécessite préalablement de la connaître. Les cépages, selon leur antériorité, leur développement et les mutations dont ils ont fait l’objet, ont généré des populations d’individus pouvant présenter certaines différences entre eux. Cette diversité intra variétale s’exprime de multiples façons : port, vigueur, fertilité, cycle phénologique, accumulation de sucres, potentiels aromatiques et/ou polyphénoliques, taille et forme des grappes et des baies, compacité des grappes, caractéristiques ampélographiques (couleur des organes et découpure des feuilles)… Ce n’est que lorsque des prospections larges sont réalisées que l’on peut appréhender objectivement la variabilité du cépage concerné, et qu’au final, on peut rassembler la diversité la plus large possible pour la préserver et l’étudier, c’est le rôle des conservatoires de cépages.
La valorisation de la diversité se fait ainsi naturellement via la sélection clonale qui n’est autre que la caractérisation et l’exploitation de cette diversité. On remarquera que suivant les époques et les bassins de production, les besoins du marché, on s’orientera vers la multiplication de clones qui peuvent être très différents les uns des autres.
La sélection clonale accentue-t-elle les risques de dépérissement du vignoble ?
A l’heure actuelle, aucune étude scientifique ne vient accréditer cette thèse. Or le meilleur moyen de lutte contre les dépérissements consiste justement à utiliser du matériel certifié apportant le maximum de garanties sanitaires et donc issu de sélection clonale. Quant à l’impact des maladies du bois, il est davantage lié à la variété, au mode de taille et au mode de greffage qu’à la nature des clones[1] [4].
Sources
Cet article a été rédigé avec l’aimable contribution de Garance Marcantoni, Cheffe de projet Agriculture Biologique. Conseillère viticole - Référente viticulture biologique PACA et nationale. Référente matériel végétal.
Autres sources :
- Qu’est-ce que la sélection clonale ? - IFV.
- La sélection clonale - IFV Occitanie.
- La sélection clonale - Pl@ntgrape.
- Histoire d’un plant : de l’initial au certifié - IFV Occitanie.
- La sélection clonale, une avancée majeure pour la viticulture en 16 questions techniques - IFV.
- ↑ 1,0 1,1 1,2 et 1,3 https://www.vignevin.com/innovation-varietale/selection-clonale/
- ↑ https://www.vignevin-occitanie.com/fiches-pratiques/la-selection-clonale/
- ↑ https://www.vignevin-occitanie.com/publications/articles-techniques-et-scientifiques/materiel-vegetal/histoire-dun-plant-de-linitial-au-certifie/
- ↑ 4,0 et 4,1 https://www.vignevin.com/wp-content/uploads/2018/11/Plaquette_selection_clonale_DEF.pdf
Annexes