Transformation d'un tracteur thermique en électrique (retrofit)

De Triple Performance
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Tracteur-Re.jpg

Le projet du Tracteur-Re de l’association MEEED est le rétrofit d’un tracteur thermique ancien en un tracteur électrique.

Présentation

Le rétrofit est une opération consistant à remplacer certains des composants anciens ou obsolètes par des composants plus récents, généralement en changeant de technologie. Dans le cas du projet de Tracteur-Re, l’action de rétrofit est le remplacement de la motorisation thermique par une motorisation électrique. Cette action transforme un tracteur fortement générateur de gaz à effet de serre (GES), particulièrement du CO2, en un tracteur sans émission de GES. Pour créer un bilan carbone performant, la source d’énergie de la charge du tracteur doit être décarbonée.


Une analyse de cycle de vie a été réalisée en comparant 3 options : un tracteur thermique classique, un tracteur électrique neuf et un tracteur en rétrofit électrique. Cette étude fait partie d’une édition complémentaire.


Le projet du Tracteur-Re vise à démontrer la faisabilité technique, l’intérêt économique et environnemental d’un rétrofit dans le monde agricole. Ce projet engage la conception et la réalisation d’un tracteur électrique de 15 CV (11 kW) électrique pour les besoins du maraîchage, mais aussi pour d’autres besoins équivalents.

L’équipe du projet

Le projet a été réalisé par une petite équipe :

  • Thierry Dumontel, mécanicien et responsable de toute la construction.
  • Frédéric Charron, conseillé, sur les dimensions et les orientations techniques.
  • Isabel Villar Jones, Jérôme Destors et Patrick Sicsic, tous membres de MEEED, pour leurs mains et leur soutien.
  • La clef de la réussite du projet est le support constant et précieux de Kit Elec Shop, par Thierry Lequeu.
  • Et enfin les 3 étudiants de l’école des Mines ParisTech qui ont réalisé l’analyse du cycle de vie (ACV) : Guillaume Desermeaux, Nicolas Mourard et Riff Fakhry.

Planning du projet

  • La réalisation du projet s’est faite en deux étapes. Celles-ci, précédées d’une analyse de faisabilité et de réflexions sur la réalisation d'une telle transformation. Cette étude était nécessaire pour déterminer les composants disponibles, leurs contraintes et leur flexibilité, le tout dans le cadre d'une analyse budgétaire. Une fois confiant sur cette faisabilité, le projet a été lancé.
  • Lors de la première étape, un tracteur ancien a été transformé en tracteur électrique, alimenté par des batteries au plomb. Le choix de ces batteries était dans le but de valider la faisabilité mécanique et les capacités du moteur électrique sélectionné, avant de réaliser l’investissement de batteries au lithium.
  • Cette première étape a duré d’avril à octobre 2023. A la fin de cette première étape, les premiers essais ont été réalisés sur le comportement de l’ensemble moteur-régulateur, de novembre à décembre 2023. Il a fallu régler différents problèmes mécaniques et paramètres de fonctionnement.
  • En décembre  2023, les batteries lithium ont été commandées et reçues en février 2024. Elles ont permis de  finaliser le projet du Tracteur-Re et d'établir une date de « complétude » en mars 2024.
  • D’autres finitions sur la sécurité, l’aspect et la gestion du suivi des systèmes ont aussi été réalisées à cette date. En avril, après des essais réalisés sur l’exploitation des Petits Loups Maraîchers à Bar-sur-Loup, et après encore quelques ajustements sur les limites de capacité, la phase de conception et de réalisation du projet était terminée. Le Tracteur-Re pouvait être prêté aux maraîchers pour le tester, sur lequel il faudra également avoir un retour.

Intérêts de ce projet

Aujourd’hui, les tracteurs électriques sont rares sur le marché. Certains constructeurs ont réalisé des prototypes, d’autres, ont commercialisé de petites séries. Le prix de ces machines est très élevé, de 2 à 4 fois le prix d’un tracteur traditionnel. Sans un financement extérieur à l’exploitation, les coûts d’investissement n’apportent pas d’intérêts autres que la promotion environnementale de l’entreprise, par la réduction des GES.

La réalisation du Tracteur-Re a pour objectif de démontrer que le rétrofit d’un tracteur ancien permet d’engager une transition écologique et énergétique sur un coût bien moindre qu’un tracteur électrique neuf avec un bilan carbone très favorable. Ce bilan ne l’est pas seulement par les économies réalisées sur la combustion des énergies fossiles, par le carburant consommé, mais aussi par les économies de carbone, que représente la réutilisation d’une masse métallique importante, le train arrière d’un tracteur. Ces points seront détaillés dans la suite de ce document sur un chapitre dédié.  

Les composants d'un tracteur thermique

Un tracteur thermique de petite ou de moyenne taille est typiquement une entité mécanique structurée autour de sous-ensembles techniques bien distincts, chacun ayant une fonction précise. Un tracteur thermique est le fruit de presque 100 ans d’expérience agricole et industrielle. C’est une conception aboutie et performante constituée des blocs suivants :

  • Le pont avant qui supporte le système de direction.
  • Le moteur qui est le plus souvent un bloc monolithe et qui fait office de châssis pour la partie avant du tracteur et qui porte le pont avant.
  • Le pont arrière qui est un bloc monolithe accroché au moteur au niveau de l’embrayage et qui inclut :
    • La boîte de vitesses.
    • La transmission arrière.
    • La prise de force et ses différents rapports de vitesses.
    • Le bloc de levage trois-points.
    • Pour les tracteurs 4 roues motrices, la boîte et le renvoi vers le pont avant.
  • La pompe du circuit hydraulique, une fonction essentielle, connectée au moteur et qui alimente :
    • Le levage du trois-points.
    • L’assistance de direction s’il y en a une (pas sur le Tracteur IZEKI).
    • Une possibilité d’alimentation d’autres organes hydrauliques.

Motorisation du Tracteur-Re

Le rétrofit remplace le moteur thermique par un moteur électrique. Ce remplacement se doit d’avoir des  performances très similaires, même meilleures pour être crédible. Nous n’avons pas retrouvé les caractéristiques du moteur de 11 kW a deux cylindres de l’ISEKI transformé, mais nous prendrons pour équivalence le moteur de 15 kW.

Un moteur de référence de 15 kW pour ces tracteurs compacts est le moteur diesel de Mitsubishi model MVL3E aux caractéristiques suivantes :

  • Cylindrée : 952 cm3 à 3 cylindres.
  • Puissance développée  : 17 kW à 3600 tr/min.
  • Point nominal de fonctionnement : 2700 tr/min pour 15 kW.
  • Couple moteur : 50 Nm.
Performances du moteur thermiques.jpg

Les courbes des performances du moteur thermiques sont indiquées sur le diagramme.

Un moteur de 11 kW  aura des performances plus basses mais avec un profil en régime et courbe de couple similaires. Les moteurs diesels ont la particularité d’avoir une courbe de couple assez plate. Cette qualité donne une courbe de puissance linéaire avec le régime moteur.  

Cette puissance supporte les demandes de force pour :

  • La traction du tracteur : Le tracteur n’est pas un véhicule à grande vitesse et à part la traction de charges lourdes en montée, la puissance requise sur la traction est généralement modérée à faible, de quelques chevaux ou kW.
  • La prise de force pour la puissance des mécanismes agricoles attelés. C’est certainement l’organe qui consomme le plus de puissance et pouvant aller jusqu’à la quasi-totalité de la puissance du moteur.
  • La pompe hydraulique, pour le relevage des matériels agricoles, accrochée sur le trois-points arrière ou autres besoins. Il est à noter que la pompe hydraulique est le plus souvent directement connectée sur le moteur, elle est donc entraînée en permanence pour assumer les besoins de force, le tracteur étant à l’arrêt.

La particularité d’un moteur électrique moderne de type « brushless » (​​type de moteur électrique qui fonctionne en utilisant des aimants permanents pour créer un champ magnétique et faire tourner le rotor) est d’avoir une courbe de couple élevée, démarrant à 0 tr/minute, et plate jusqu’à un régime élevé, régime de saturation des flux magnétiques. Il sera aussi noté la capacité à engager un couple plus important dit de pic que le couple de régime constant.

Courbe de couple d’un moteur électrique moderne de type « Brushless ».jpg

Cette particularité d’un moteur électrique offre l’avantage d’une montée en régime franche que les conducteurs de véhicule électrique apprécient. Pour le projet du Tracteur-Re, cette particularité sera le critère qui fera décider de ne pas conserver le système d’embrayage et de coupler le moteur directement sur la boîte de vitesses. Les essais ont démontré la validité de cette décision sur ce point particulier des performances d’un moteur électrique par un Tracteur-Re. En effet, à l’arrêt, avec un rotavator dans le sol, le Tracteur-Re démarre son travail sans hésiter.  Bien sûr, les appels de courant sont importants et il faut les réguler dans les paramètres du régulateur électronique pour réduire le stress sur le système électrique.


En raison de ces caractéristiques, une motorisation électrique est donc très adaptée au travail agricole. Les capacités en couple et la régulation de la puissance en vitesse, contrairement à la régulation naturelle au couple d’un moteur thermique, font qu’une motorisation électrique apporte des atouts non négligeables de conduite et de travail qu’un moteur thermique puisse offrir ou alors avec une réactivité plus faible.

La durée au travail liée aux capacités des batteries reste aujourd’hui l’argument en défaveur de ce type de motorisation.  Dans le cadre d’un travail de maraîchage, aujourd’hui, le Tracteur-Re offre une durée au travail de plus de 2 heures. Cette durée de travail est adaptée au travail de maraîchage ou aux travaux ponctuels des exploitations en multicultures où les durées de travail sont courtes, mais répétitives. Le temps de recharge dépend de la puissance du chargeur. Nous avons opté pour un chargeur de 40 A, raisonnable en taille et en coût. La durée de charge maximale, avec ce chargeur, est de 5 heures. Elle pourrait être réduite à 2 heures avec un chargeur plus puissant de 100 A. L'évolution des capacités et des tailles des batteries permettra d'allonger les temps de travail et de surmonter cette limitation dans les 5 à 10 prochaines années.

Transformations dans l’assemblage de la motorisation

Liaison ancienne par embrayage sur moteur thermique

La transformation d’un rétrofit pour un tracteur peut s’effectuer de plusieurs manières, notamment dans l’assemblage de la motorisation électrique sur la boîte de vitesses qu’est le pont arrière.

En première approche, on pourrait envisager de considérer que le système d’embrayage, qui est l’organe d’accouplement entre le moteur thermique et la boîte de vitesses, doit être conservé. L’embrayage est une fonction de glissement liée à la contrainte d’avoir le moteur thermique devant tourner en permanence et plus spécifiquement de pallier le manque de couple d’un moteur thermique à bas régime. L’embrayage est le moyen de réaliser un transfert de puissance avec glissement, sur un régime plus élevé que le ralenti moteur, avec un couple suffisant pour supporter la puissance nécessaire à l’activité engagée.


Dans le chapitre précédent, les qualités d’une motorisation électrique effacent la nécessité d’un embrayage. Le maintien d’un embrayage implique de conserver le volant moteur du moteur thermique et de soutenir le système d’embrayage, ensemble généralement construit sur l’axe du moteur thermique. Un accouplement direct élimine ces obligations mécaniques et simplifie drastiquement la conception de l’accouplement du moteur thermique vers la boîte de vitesses.


Liaison nouvelle, directe, sur motorisation électrique

Cette approche présente les avantages suivants :

  • Simple à réaliser.
  • Revente possible du moteur Diesel.
  • Libération de poids et de place pour le moteur et les batteries.

Dans le cas du Tracteur-Re, le choix fait a été de conserver l’ensemble du pont arrière tel qu’il est et d’y accoupler le moteur électrique directement sur l’axe de boîte, sans utiliser d’embrayage.

Précautions à prendre avant d’engager la transformation

Un rétrofit offre une opportunité de rénover une machine agricole pour au moins 10 années, voire plus. Il est donc important de s’assurer que la base conservée du tracteur thermique soit en bon état. Une révision, où un remplacement des pièces d’usure est fortement conseillée afin d’établir la durée de vie attendue et justifier pleinement cet investissement.

Il sera aussi vérifié, voire mis à jour, les systèmes de sécurité. Le tracteur qui sera la source de ce rétrofit n’est certainement pas équipé d'accessoires essentiels à une sécurité passive et active, minimale, d’un tracteur moderne. Il sera donc analysé et engagé des travaux de sécurité et à minima la pose d’un arceau de sécurité et la pose d’un clignotant de travail.


Un point aussi important à noter est qu’un rétrofit ne signifie pas que le tracteur modifié conserve sa qualification "route". En effet pour avoir le droit de circuler sur route, la loi impose une re-qualification du nouveau véhicule, un travail complexe et très long. Il pourrait être mené par les constructeurs, si ceux-ci y perçoivent l’intérêt, comme pour quelques voitures. Il faut donc prendre en compte que le rétrofit enlève la qualification route et que ce nouveau tracteur ne pourra circuler que sur l’exploitation. S’il a besoin de travailler sur une parcelle éloignée, c’est sur une remorque que le déplacement se fera.

Le choix du moteur électrique et du régulateur

Ce choix est certainement celui qui pose le plus de questions. Quelle puissance, sur quelle tension pour atteindre quel couple et à quel régime de fonctionnement. Ces questions sont essentielles sur un moteur thermique qui n’a qu’une courbe de puissance, couple et régime. Cette question est différente sur une motorisation électrique car, via le régulateur, les très nombreuses caractéristiques du comportement du moteur électrique sont paramétrables et permettent de générer un profil de motorisation adapté au besoin recherché.

Bien sûr il faut lire les documentations de ces équipements, identifier les paramètres clefs du profil de la motorisation adaptée, avoir un support pour engager par programmation ces paramètres dans le régulateur. C’est là que la compétence du fournisseur du kit est importante pour accompagner ce choix et lors des paramètres définitifs qui donneront au Tracteur-Re toutes ses qualités. Merci à Kit Elec Shop pour cet accompagnement à chaque étape du projet.

Vues du moteur et du régulateur

Lors de la conception du Tracteur-Re, il était déjà envisagé une réalisation future d’un tracteur du double de la puissance de 11 kW pour ce premier Tracteur-Re. L’équipe a donc fait le choix du kit d'électrification proposé par Kit Elec Shop pour réaliser un véhicule de 60V à 84V. Ce kit contient un moteur synchrone ME1616 PMSM de 20 kW, un variateur SEVCON GEN4 8055 taille 6 72V-80V 550A et tout le câblage et accessoires connectés via différents faisceaux.

Les caractéristiques du moteur ME1616

  • Utilisable jusqu’à 72 V de tension.
  • Capable d’absorber jusqu’à 650 A de courant.
  • De type PMSM, sans balais (brushless).
  • Disponible avec les options de refroidissement à air ou liquide. Il a été choisi avec l’option à refroidissement liquide (voir la note ci-après).
  • Le couple moteur est de 0,23 Nm/A soit un couple maximal établi sur 300 A de 69 Nm.
  • Poids 21 kg.

Pourquoi le choix d’une tension de fonctionnement en 48 V DC (courant continu)

Si aujourd’hui les tensions des véhicules électriques sont hautes, elles sont dues aux très grandes puissances engagées par les véhicules actuels, avec des moteurs de plus de 120 CV jusqu’à parfois plus de 450 CV. Rappelons que le projet du Tracteur-Re vise une puissance maximale de 15 kW ou 20 CV.

  • La tension de 48 V est une tension de sécurité car inférieure aux risques de danger d’électrocution. Rester sous les 50 V évite d’avoir à établir des sécurités et des protections aux contacts électriques. Elle est adaptée à un tel projet de rétrofit. Néanmoins les courants de court-circuit seront très élevés et des protections sur ce type d’incidents seront mises en œuvre via des coupes circuits et fusibles sur toutes les jonctions et câblages de puissance.
  • Les 15 kW, sur une tension de 48 V, requièrent une intensité de courant jusqu’à 300 A, ce qui est encore une section de câble acceptable, de 16 mm² ou AWG 5 minimum, sur des liaisons courtes (inférieures à 2 mètres), voir une section de 25 mm² ou AWG 3.

Ce moteur, sous 48V  a les caractéristiques suivantes :

  • Puissance Max : 14,5 kW.
  • Courant nominal : 250 A (avec refroidissement liquide / soit une puissance continue de 12 kW).
  • Courant max qui sera limité à 300 A sur le régulateur.


Nous pouvons affirmer aujourd'hui que ce kit offre une puissance supérieure aux besoins du Tracteur-Re. Cependant, nous avons préféré éviter le risque de performances insuffisantes, surtout en raison de notre décision de ne pas installer d'embrayage. Les limitations du moteur seront donc réglées via ces paramètres. À ce jour, les résultats sont concluants et nous ne regrettons pas ce choix.

Vue du moteur électrique installé sur sa plaque d’adaptation


Le régulateur

Les caractéristiques de ce composant électronique de puissance sont essentielles à la réussite d’un tel projet. Un régulateur moderne est un composant complexe avec des paramètres configurables qui vont permettre de réaliser le parfait compromis entre les caractéristiques du moteur électrique et les conditions d’usage du véhicule.  

Le régulateur est un organe de commande mais aussi un organe de sécurité. Il est possible de fixer le courant maximum pouvant être engagé. Etablir une limitation haute de 300 A sera donc une sécurité contre les échauffements possibles des câbles de liaison, et une sécurité mécanique sur les arbres de boîte en établissant une limitation du couple moteur. Nous verrons plus tard qu’un autre organe de sécurité, les BMS (Batterie Monitoring System) est aussi paramétrable pour limiter simplement la demande en courant sur les batteries, et donc indirectement sur le moteur.

Vue du régulateur installée sur sa plaque d’adaptation


Au sein du kit commandé, le régulateur est livré avec l’ensemble des câbles et systèmes de contrôle requis pour un véhicule motorisé. Le kit est universel et comprend bien entendu les fonctions d’engagement de la puissance (accélérateur) mais aussi la commande à clef de mise en route, le commutateur de freinage, le contact de présence du conducteur à installer sous le siège, mais aussi les organes de sécurité, la coupure de la liaison avec la batterie, et le relais de mise en route avec les câbles (de très grande section) nécessaires à cette jonction. Le kit est complet et ne nécessite pas d’achats complémentaires.

Tous ces câbles et organes de contrôle forment une pieuvre déjà connectorisée sur le connecteur d’entrée du régulateur. A la réception du colis, passée la surprise des nombreux filaires associés au régulateur, un tri et une prise de connaissance de chacune des fonctions sont à faire, là encore, la lecture à 3 fois de la documentation est nécessaire avant l'installation, suivant le diagramme fourni dans la documentation du régulateur.

Une mise au propre avec une adaptation des longueurs sera faite par la suite et le tout sera positionné pour en faire un câblage plus structuré et conforme à l’installation dans le Tracteur-Re.


Le choix des batteries et le calcul de la puissance nécessaire

Un des coûts majeurs de tout rétrofit électrique est celui des batteries. Les batteries au lithium et bientôt les batteries au sodium sont, aujourd’hui, la technologie adaptée aux véhicules électriques, quels qu’ils soient. La bataille aux distances à parcourir fait augmenter ces coûts malgré la réduction des coûts de production de ces batteries, ce qui augmente également l’impact qu’elles ont sur le bilan carbone global du véhicule ou de la machine.

Le projet de MEEED de Tracteur-Re souhaite aussi établir le plus bas bilan carbone de la production d'un tracteur en rétrofit comme un prix d’acquisition adapté. La première des questions est sur le volume d’énergie requis pour dimensionner la pack batterie, pour une journée ou demi-journée de travail, si la recharge est rapide.

  • L’énergie minimale estimée est :
    • Pour un travail de 30 minutes à pleine charge minimum.
    • Sur une moyenne de puissance de 7,5 kW (soit 5 kW pour le rotavator et 2,5 kW pour la propulsion).
  • Capacité requise : 3,8 kWh ou 48 V, équivalent à une capacité de 80 Ah.
  • Compte tenu d’une restriction de décharge profonde, qu’il faut limiter à 80% pour allonger la durée de vie des batteries, la capacité minimale nécessaire du pack batterie serait de 100 Ah.
  • Mais pour accepter des pics de 11 kW en puissance, la batterie devra pouvoir délivrer jusqu’à 250 A en pic.


Une fois ces éléments énumérés, c’est le coût qui sera le point de décision final. Pour une analyse des coûts, il faut considérer la capacité et la performance à la décharge. A titre d’exemple, une batterie de 80 Ah capable de fournir un courant de 240 Ah sera 3 fois plus chère qu’une batterie de 240 Ah. A coût équivalent, et selon la place disponible, c'est une batterie de 240 Ah qui a été choisie. Sa plus grande capacité offre une durée de plus de 1h30 de travail, voir plus de deux heures.

Pour des raisons de coûts encore, un pack de batteries a été réalisé avec 16 modules de batteries au format prismatique LiFePo4 (type de batterie lithium-ion qui utilise du lithium fer phosphate comme matériau cathodique. Ces cellules sont connues pour leur densité énergétique élevée, leur longue durée de vie et leur excellente stabilité thermique). Chaque module est constitué d'un ensemble de cellules en parallèle. Chaque module prismatique est donc à la tension nominale d’une cellule LiFePo4.

C’est par un montage en série que se réalise la tension. La conception d’un tel pack a été décidée pour qu’en cas d’incident sur un module prismatique, celui-ci puisse être changé. C’est sa capacité de réparation qui a finalisé le choix du pack de batteries.

Il est important de fixer mécaniquement le montage des 16 modules prismatiques. En effet il faut impérativement éviter que les cosses ne subissent des efforts qui viendraient détruire les liaisons internes de chaque module. Une structure mécanique de rétention, ou un boîtier dédié doit être construit pour recevoir les modules et en faire un bloc monolithique solide.


Le BMS

Meeed - App BMS.jpeg

Un pack de batteries construit en modules doit être surveillé, tant à la décharge qu’à la charge. Le marché livre des modules électroniques dédiés, les BMS (Battery Monitoring System), c'est un système de surveillance conçu pour une bonne gestion de la batterie, il contrôle la charge et la décharge de l’accumulateur des batteries afin d’optimiser leur poids, leur durée de vie, leur coûts…Chaque BMS est conçu pour une configuration donnée. Nous avons fait le choix d’un BMS pour LiFePo4 de 48 V et 300 A. Il est installé entre le pack de batteries et le régulateur. Ces BMS permettent de suivre l'état des batteries en temps réel via une application pour smartphone et qui communique en Bluetooth. Par ailleurs, il est possible de gérer certaines caractéristiques dont la coupure du courant maximal à délivrer par le pack batteries. Ce réglage a bien été utilisé lors des essais, facilement paramétrable, afin de valider les pointes de courant en fonctionnement. Le BMS est le boîtier rouge, situé à l'avant du pack de batteries, visible sur l’image précédente.

La pompe hydraulique électrique

Meeed - Pompe hydrolique.jpeg

Pour répondre aux besoins en levage du trois-points et d’autres systèmes hydrauliques, il faut trouver une alternative à la pompe hydraulique accouplée au moteur thermique. Cette pompe initialement mécanique est remplacée par une pompe hydraulique électrique, en 48 V. Ces pompes électriques sont des éléments standards de l’industrie. Elle a été montée dans l’espace disponible entre le moteur électrique et le petit radiateur avant le refroidissement du moteur électrique. Elle intègre le réservoir d’huile et le relais de commande sur le flux hydraulique, permettant la montée, puis la descente. C’est un organe complet. Une commande électrique manuelle assure sa mise en route pour la montée du vérin arrière en charge du trois-point du tracteur.

Tracteur-Re au travail

Bien entendu un travail de peinture a été réalisé pour rénover la vieille peinture et les traces de rouille de ce vieux tracteur. Le tracteur a également été équipé d’un arceau de sécurité et d’un gyrophare. Cet arceau est démontable pour le travail en serre.

Les coûts d’une telle réalisation

Les coûts indiqués dans le tableau ci-dessous, hormis les achats techniques qui sont ceux vraiment dépensés, ne sont pas les coûts du prototype réalisé. En effet, nous avons fait, défait, refait certaines parties du tracteur car les éléments ou choix techniques n’étaient pas satisfaisants. Chaque pièce et montage étaient réalisés avec des outils de garage et non avec ceux d’un atelier industriel.

Ces coûts estimés ci-dessous sont pour un tracteur de 11 à 15 kW tel que le Tracteur-Re décrit dans ce document mais réalisé par un atelier industriel, équipé de moyens modernes : de découpe de tôleries, soudure et peinture, assisté par un bureau d’études réalisant les plans des pièces mécaniques avant exécution, suivant des principes établis d’un rétrofit de tracteur thermique.    

Achats techniques 7 997,38 €
Main d'œuvre

d’assemblage technique

et électrique

3 500,00 €
Total hors études 11 497,38 €
Etudes (2 jours) 1 300,00 €


L’ Analyse de Cycle de Vie (ACV)

L’analyse de cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation  des aspects environnementaux et des impacts potentiels d’un service ou d’un produit tout au long de son cycle de vie, y compris l’extraction et la transformation des matières premières, la manufacture, le transport, son utilisation et la gestion de sa fin de vie.

L’ACV réalisée compare trois tracteurs de même puissance. Un outil a été développé par 3 étudiants de l’école des Mines en formation sur Sophia Antipolis. Cet outil sous Excel est disponible sur demande. Il assure des analyses alternatives sur d’autres tracteurs ou engins agricoles selon quelques critères descriptifs simples.

Meeed - comparaison ACV.png


Dans cette ACV, un tracteur thermique émet 12 fois plus de CO2 qu’un tracteur en rétrofit. Les intentions du projet sont donc bien confirmées par cette analyse. Si la consommation de carburant est l’impact majeur, un tracteur en rétrofit est plus performant qu’un tracteur électrique neuf par une fabrication moins consommatrice de matériaux neufs tels que de l’acier.

Niveaux des impacts carbones
ACV du projet

Conclusion

Tous les détails de la construction ne sont pas expliqués dans ce document, c'est un prototype. Il a été construit en découvrant les particularités spécifiques à ce type de réalisation. Nous ne parlerons pas de nos hésitations et de nos erreurs lors de la construction. Aujourd'hui, nous avons beaucoup appris. Le prochain tracteur en rétrofit sera plus abouti, car réalisé avec un savoir mieux établi, permettant un travail préliminaire d'études. Des plans de construction précis permettraient une réalisation plus rapide et à des coûts plus justes, tels qu'estimés dans l'analyse des coûts.

Grâce à ce travail, nous avons acquis la certitude que le rétrofit d’un tracteur thermique représente une opportunité efficace pour la transition écologique et énergétique de l’agriculture. La conception des tracteurs thermiques se prête bien à cette transformation, sans nécessiter d’outils ou de compétences particulières. Tous les composants nécessaires sont disponibles. Le rétrofit est essentiellement un travail d'intégration.

L’analyse économique et environnementale est, elle aussi, très favorable à cette approche. Nous pouvons espérer que cet exemple incite des industriels à proposer des solutions pour réaliser des rétrofits sur des tracteurs thermiques anciens, encore en état, à un prix qui les rendra plus attractifs que des tracteurs électriques neufs, dont les coûts restent encore très élevés. L’équipe MEEED a pris plaisir à réaliser ce rétrofit et à partager son expérience. Tracteur-Re est visible dans notre magnifique région des Alpes-Maritimes, probablement au travail chez un maraîcher local, pour démontrer encore et encore ses capacités.



Le projet « Tracteur-Re » (rétrofit d’un tracteur thermique) a été lauréat de l’Appel à projets 2023 du Crédit Agricole Provence Côte d’Azur et de sa Fondation d’entreprise, sur le thème « Empreinte Carbone : ça bouge ! ». Convaincus de l’importance d’encourager les acteurs du territoire qui agissent au quotidien en faveur du climat et de la transition énergétique, le Crédit Agricole Provence Côte d’Azur s’engage pour la réduction de l’empreinte carbone dans les déplacements. C’est pourquoi le Crédit Agricole Provence Côte d’Azur a apporté son soutien à l’association MEEED pour ce projet.

Points de contact

Président :  Frederic CHARRON / frederic.charron@wanadoo.fr

Trésorier :   Jérôme DESTORS  / jdestors@gmail.com

Secrétaire : Patrick SICSIC / patrick.sicsic@sfr.fr

Secrétaire adjoint et mécanicien du Tracteur-Re : Thierry DUMONTEL / thierry.dumontel06@gmail.com

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