Reproduction des vaches laitières : indicateurs et impacts économiques

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Veau normand - Wikipédia Commons

En élevage laitier, la gestion de la reproduction conditionne fortement la productivité de l'exploitation.

En effet, la reproduction des animaux entraîne deux types de coûts :

  • Les coûts directs (apparents) = frais de vétérinaires (curatifs et préventifs) par exemple.
  • Les coûts indirects (non apparents) = Coût de renouvellement (problèmes de fécondité) et d'entretien (perte nette en cas d'improductivité estimée à 2 à 3€ par jour par vache laitière) etc.

Elle peut donc induire un fort impact économique, sous forme de manque à gagner comme de pertes, et doit faire l'objet d'un compromis selon les objectifs de l'éleveur et son organisation du travail.

Introduction théorique

Objectif de fécondité

Dans les élevages laitiers, on considère le plus souvent que l'objectif de fécondité est de 1 veau / vache / an dépendant de la fertilité qui est la capacité d'une vache à se reproduire ou le nombre d'insémination nécessaire à l'obtention ou non d'une gestation.

Cycle annuel de reproduction

Sachant que la gestation d'une vache a une durée de 275 jours environ, l'insémination fécondante doit donc avoir lieu dans les 3 mois (90 jours) qui suivent la mise bas pour atteindre l'objectif de fécondité énoncé plus haut.

Cycle annuel de reproduction d'une vache laitière, pour un IVV à 365 jours.

Pendant les 30 premiers jours après vêlage a lieu l'involution utérine, c'est à dire la phase durant laquelle l'utérus reprend sa taille normale. Et même si pendant cette période, les premières chaleurs apparaissent, la fécondation est impossible. Il faut donc attendre le cycle suivant (45-50 jours) avant d'espérer pouvoir inséminer pour la première fois la vache. Pour garder un cycle de 365 jours, la fenêtre temporelle de fécondation est donc de 45 jours. C'est dans cette période qu'il faut surveiller les chaleurs des animaux. Cette durée correspond approximativement à 2 cycles ovariens (21 +/- 2 jours), donc l'éleveur peut détecter jusqu'à 3 périodes de chaleurs potentielles pour être en adéquation avec son objectif de fertilité.

Autres indicateurs de fécondité

  • IVV : Intervalle Vêlage - Vêlage, on considère qu'il est optimal à 365 jours pour des vaches produisant environ 8 000 L de lait par an. Il est généralement plus long pour des animaux plus productifs : en 2019 en France, il était de 421 jours en moyenne pour les prim'holsteins pour une production annuelle moyenne de 8957 L / vache[1].
  • IVIAF : Intervalle Vêlage - Insémination Artificielle fécondante, pour un IVV de 365 jours l'IVIAF doit idéalement être inférieur à 90 jours (cf. paragraphe précédent), en campagne 2016-2017 la moyenne nationale était de 136 jours[2]
  • CR : Conception rate, c'est le taux de gestation = le nombre de vaches gestantes sur le nombre de vaches inséminées.
  • TNR : Taux de Non Retour, c'est le pourcentage de femelles non revenues en chaleur 2 mois après insémination, elles sont donc potentiellement gestantes.
  • Nb IA/IAF : Nombre d'Insémination Artificielle par Insémination Fécondante, c'est le nombre moyen d'inséminations nécessaires pour qu'une femelle soit gestante, à l'échelle du troupeau (moyenne nationale toutes races confondues = 1,99 en 2018 - 2019[3]).

Pour aller plus loin :

Consulter le site REPROSCOPE, une base de données en ligne et libre d'accès pour les indicateurs de la reproduction de 2013 à 2019, en cliquant ici.

La gestion de la reproduction en pratique

Contexte global

Insémination artificielle d'une vache laitière montbéliarde - Wikipédia Commons

Durant les dernières décennies, on a observé une baisse globale de la fertilité chez les vaches laitières, et particulièrement chez la race Holstein, les raisons invoquées étant l'orientation de sélection[4] et l'émergence d'épizooties[5].


Il est estimé qu'en Europe, les coûts engendrés par une dérive de la fécondité peuvent osciller entre 15 et 34€/vache/an[6], ceux ci peuvent peser lourds sur des élevages dont les marges sont serrées ainsi que ceux avec un cheptel important.


En France l'insémination des animaux par l'éleveur, réglementée depuis 2006[7], est une pratique de plus en plus mobilisée [8].


Dans ce contexte, il apparaît donc comme un enjeu primordial pour les éleveurs de s'approprier les indicateurs de maîtrise de la reproduction et / ou de faire appel à un accompagnement technique de qualité.

Exemple de 195 exploitations bretonnes

Du 25 février au 30 avril 2021, un observatoire des pratiques de reproduction a été réalisé par le EILYPS (Conseil en Élevage) sur des exploitations du sud de l'Ille et Vilaine (35), majoritairement composées de Prim'holsteins (87%).


L'objectif était de caractériser la maîtrise de la reproduction au travers de 3 indicateurs : l'IVV, Le taux de réussite en première IA, et l'âge moyen au vêlage des génisse.


Les observations ont été effectuées en interrogeant en face à face des éleveurs laitiers. Une fois extraites, ces dernières ont pu être analysées et offrir une vue d'ensemble de la façon dont la reproduction y est gérée. La procédure générale était d'interroger les éleveurs sur leurs objectifs concernant les 3 indicateurs, puis de comparer ceux-ci avec des valeurs réelles moyennes constituées à partir de la base de données.


Le compte rendu de l'observatoire est consultable ici en version PDF.

Intervalle vêlage-vêlage

Sur les 195 élevages recensés, 157 (80%) avaient déterminé un "IVV cible" dans leur réflexion autour de la reproduction.

1 - Courbe de densité des "IVV cibles" des 157 élevages recensés.

En moyenne cet objectif de délai moyen entre deux vêlages était de 400 jours, avec 2 stratégies principales qui se dégagent du lot : autour de 400 jours, et autour de 370 jours (cf. graphique 1). Les données recueillies ont permis le calcul de l'écart entre IVV réel et IVV cibles dans 104 de ces élevages, cet écart est décrit par la courbe suivante :

2 - Courbe de densité des écarts entre "IVV cible" et "IVV réel" dans les 104 élevages recensés. EILYPS

Sur le graphique 2, la barre rouge verticale représente l'ensemble des réponses pour lesquels l'IVV cible est parfaitement égal à l'IVV réel. Les valeurs situées à droite de ce repère correspondent à la situation IVV cible > IVV réel, et celles à gauche du repère : IVV cible < IVV réel. On constate donc que 92% des éleveurs n'ont pas atteint leur cible, et qu'en moyenne l'IVV réel est 21 jours plus long que l'IVV cible, ce qui pourrait générer une perte nette moyenne de 42€ par vache (en considérant 2€ / jour d'improductivité / vache).


Il est également intéressant de noter que sur l'ensemble des 195 exploitations interrogées, seulement 115 (59%) ont été en mesure d'estimer un IVV moyen dans leur élevage. Et les estimations ainsi recensées se sont majoritairement avérées être des valeurs sous estimées (7 jours plus court que l'IVV réel en moyenne).

Taux de réussite IA1

Dans l'observatoire, la même démarche a été appliquée pour étudier le taux de réussite de la première Insémination Artificielle. Comme pour l'IVV, la majeure partie (80%) des éleveurs interrogés ont déclaré avoir un taux de réussite cible, avec là encore plusieurs tendances stratégiques : un objectif à 50% (un quart des réponses), un objectif à 60% (un tiers des réponses) et un à 70% (un cinquième des réponses).

Le même calcul a été effectué à partir des données Landfiles, pour déterminer l'écart entre ces objectifs et le taux de réussite réel observé en moyenne sur les élevages. Sur l'ensemble de l'échantillon, on observe un écart moyen de 17,4 points (cf. graphique 3.) : le taux cible moyen étant de 59,1% et le taux réel moyen de 41,7%.

3 - Courbe de densité des écarts entre les "objectifs de taux de réussite en IA1", et le "taux de réussite réel" moyen dans 116 élevages recensés - EILYPS.  

Comme précédemment, la ligne rouge désigne les exploitations où le taux de réussite cible est égal au taux réel moyen. De fait, l'immense majorité (98%) des éleveurs ont obtenu un taux de réussite réel inférieur à leur objectif (valeurs à droite de la ligne rouge).

Si on considère que la perte d'un point sur le taux de réussite de la première IA engendre un coût de 3€, alors sur l'échantillon on peut estimer une perte moyenne de 51€ par vache laitière.

Âge au vêlage des génisses

Abaisser l'âge auquel les génisses d'un élevage mettent bas permet, entre autres, de raccourcir la période durant laquelle ces dernières génèrent des charges (aliments etc.) sans être "productives". Optimiser ainsi les charges liées à cet atelier pourrait permettre d'économiser environ 40€ / mois / génisse.

De fait l'objectif moyen de 188 éleveurs interrogés est de faire vêler leurs génisses à 25 mois. Les valeurs ont été très resserrées autour de cette valeur puisque 82% des réponses ont donné un objectif compris entre 23 et 26 mois. En comparaison l'âge réel moyen calculé sur les exploitations des répondants est de 27 mois : la perte potentielle est donc de 80€ par génisse.

4- Courbe de densité des écarts entre l'objectif et la valeur réelle moyenne pour l'âge au premier vêlage, dans les 177 élevages recensés - EILYPS.

95% des éleveurs n'ont donc pas atteint la valeur cible qu'ils s'étaient fixée.

Pour résumer

La reproduction des vaches laitières doit être raisonnée par un compromis délicat entre productivité, santé des animaux et gestion du travail. Elle est d'ailleurs de plus en plus prise en main par les agriculteurs (21% des répondants concernés par l'Insémination Par l'Éleveur dans l'étude présentée) ce qui implique un besoin de formation et d'accompagnement. Il existe de nombreux indicateurs permettant de la piloter, mais une mauvaise gestion peut conduire à l'accumulation de pertes difficiles à déceler dans un bilan comptable.

Pour aller plus loin

Consulter le site web d'EILYPS, entreprise de conseil et expertise en élevage :

https://breeder-connect.com/article/reproduction-des-vaches-laitieres-indicateurs-et-impacts-economiques


Annexes

La technique est complémentaire des techniques suivantes

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Cette page a été rédigée en partenariat avec Breeder Connect

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Références

  1. Prim'holstein France, Résultats 2019 du Contrôle Laitier, 2020. https://primholstein.com/2020/resultats-2019-du-controle-laitier/
  2. F. Bidan, IDELE, Vu dans Reproscope, Performances en élevages 2016-2017, La lettre de l'observatoire de la reproduction des bovins en france - n°2, 2018. https://idele.fr/en/detail-article/performances-en-elevages-2016-2017
  3. REPROSCOPE - Observatoire national de la reproduction bovine, consulté en janvier 2022. http://164.177.30.205/pentaho/api/repos/:public:reproscope:accueil_reproscope.wcdf/generatedContent?&userid=public_user&password=_Repr0sc0pe_Pu
  4. F. Mecheklour, REUSSIR Lait, La fertilité se dégrade rapidement en Prim´Holstein, 2003. https://www.reussir.fr/lait/la-fertilite-se-degrade-rapidement-en-primholstein#:~:text=La%20moiti%C3%A9%20de%20la%20d%C3%A9gradation,la%20s%C3%A9lection%20dans%20cette%20race.&text=Les%20petites%20filles%20de%20ce,avoir%20une%20moins%20bonne%20fertilit%C3%A9.
  5. P. Le Mezec et al., Evolution de la fertilité et impact de la FCO sur la reproduction du cheptel laitier français, 2010. http://www.journees3r.fr/spip.php?article2996
  6. Bureau Technique de Production Laitière, Web-Agri, Comment mesurer les résultats de reproduction ?, 2021. https://www.web-agri.fr/reproduction/article/203004/comment-mesurer-les-resultats-de-reproduction-
  7. Légifrance, Arrêté du 28 décembre 2006 relatif à la pratique de l'insémination dans le cadre de la monte publique dans les espèces bovine, ovine et caprine. Version en vigueur au 21 janvier 2022. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000821256/
  8. D. Scohy, Web-agri, De plus en plus d'éleveurs reprennent l'insémination en main, 2019. https://wiki.tripleperformance.fr/index.php?title=Reproduction_des_bovins_lait_:_quels_objectifs_et_quelles_cons%C3%A9quences_%3F&veaction=edit
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