Forages solaires collectifs
Entre 2018 et 2024, une période de sécheresse prolongée a rendu nécessaire la sécurisation de l’accès à l’eau. S’inspirant d’une installation similaire qu’il avait observée ailleurs, Lahcen Imaï a proposé de reproduire cette solution dans sa communauté de la Province d'Errachidia. Quinze membres ont alors mutualisé leurs ressources financières pour installer collectivement deux forages solaires, réduisant ainsi les coûts individuels et renforçant leur autonomie vis-à-vis des aides publiques. Ce projet visait à assurer un accès durable à l’eau pour l’irrigation face à l’assèchement de la khettara traditionnelle (galeries souterraines conçues pour mobiliser les eaux des nappes phréatiques et les conduire par gravité jusqu'aux oasis irriguées. Ahmadi et al., 2010)[1]
Contexte de la ferme :
Exploitation agricole
- Superficie : 2000 m² répartis sur une dizaine de parcelles
- Expérience : 48 ans dans l’agriculture
- Formation : 2 ans à la Faculté des sciences de Béni Mellal
- Gestion supplémentaire : Cultive aussi la parcelle de son frère, qui vit en ville
Productions agricoles
- Répartition des cultures :
- Élevage :
- Utilisation des productions :
- Production majoritairement destinée à la consommation familiale
Main d’œuvre
- Travail réalisé par Lahcen Imaï et sa femme
- Son fils participe occasionnellement lorsqu’il est disponible (étudiant)
À propos de l'agriculteur
- Âgé de 65 ans, il a suivi deux années d’études à la Faculté des sciences de Béni Mellal avant de se consacrer pleinement à l’agriculture.
- Il préside depuis plus de dix ans la Jemaa (Amghar), l’instance traditionnelle de gestion collective de l’eau et des affaires communautaires.
Étapes mises en œuvre

Le projet a débuté par une série de discussions au sein de la Jemaa afin de répondre collectivement au problème d’assèchement de la khettara, devenue insuffisante pour assurer les besoins en eau. Cette concertation a abouti à la décision d’installer deux forages profonds d’environ 90 m chacun, alimentés par un total de 40 panneaux solaires.
L’organisation financière a reposé sur un collectif de 15 membres, chacun apportant une contribution égale. Afin de réduire l’effort financier individuel, une collecte régulière de cotisations a été mise en place deux ans avant le lancement des travaux, avec des versements mensuels ou bimensuels. Le paiement des forages et des pompes s’est fait en trois échéances espacées de quatre mois, permettant un règlement complet sur une année.
Les travaux, d’un coût total de 12 000 € pour les deux forages, les pompes et les panneaux solaires, ainsi que d'un local pour les pompes se sont achevés sur la période 2022-2023. Dès la mise en service, la gestion de l’eau a suivi le système traditionnel des Taghourt, garantissant à chaque membre un droit d’eau tous les quinze jours.

Résultats technico-économiques
Les deux forages sont pleinement opérationnels et le système de partage de l’eau fonctionne selon le principe traditionnel des Taghourt. Ils sont utilisés en complément de la khettara : lorsque celle-ci fournit de l’eau, les forages augmentent le volume disponible ; en période d’assèchement, les pompes assurent un minimum d’apport pour maintenir les cultures. Cette complémentarité garantit une continuité d’irrigation et réduit les risques de pertes agricoles liées aux variations de disponibilité en eau.
L’irrigation reste principalement gravitaire, via le réseau de seguias (canaux d'irrigation) issu de la khettara. Les deux forages y sont raccordés, utilisant des tranchées bétonnées à ciel ouvert pour acheminer l’eau jusque dans les champs. Ce choix a permis d’éviter un investissement coûteux en canalisations, mais il présente une limite : des pertes par évaporation plus importantes que dans un réseau fermé. Par ailleurs, la dispersion des parcelles complique la mise en place d’un système d’irrigation moderne et performant.
Résultats environnementaux
Aucun résultat environnemental clair n’a été constaté. Toutefois, la mutualisation du forage entre les agriculteurs instaure de facto une gestion plus raisonnée de l’eau : l’absence de concurrence directe sur l’usage du forage favorise une utilisation potentiellement plus équilibrée et durable de la ressource.
Points de vigilance
En tant que président du collectif de gestion de l’eau traditionnel (Jemaa), Lahcen Imaï souligne que la clé pour préserver la pérennité du groupe réside dans la cohésion entre ses membres. Il estime essentiel de prendre des décisions fermes et consensuelles : tant qu’aucun accord clair n’est trouvé, la réunion se poursuit. Chaque membre doit pouvoir exprimer son point de vue, et la décision est ensuite tranchée collectivement sur le moment.
Bilan
Lahcen Imaï se dit satisfait de la mise en place des deux forages, estimant que le projet a pleinement répondu aux attentes du collectif. S’il devait renouveler l’expérience, il procéderait de la même manière. En termes d’amélioration, il évoque à plusieurs reprises la modernisation du réseau d’irrigation, qui permettrait de réduire les pertes par évaporation et d’optimiser les apports en eau.
Pour aller plus loin
Pour aller plus loin, voici un article scientifique publié par le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) qui présente la mise en place d’une khettara associée à un système de pompage solaire dans la même région (le Drâa-Tafilalet) : Lire l’article.[2]
Galerie photo des parcelles de Lahcen Imaï
Sources
Interview de Lahcen Imaï réalisée en 2025.
- ↑ Ahmadi H, Nazari Samani A, Malekian A. 2010. The Qanat: A living history in Iran. In: Schneier-Madanes G, Courel M-F, eds. Water and sustainability in arid regions: Bridging the gap between physical and social sciences. Dordrecht (The Netherlands): Springer, pp. 125–138. https://doi.org/10.1007/978-90-481-2776-4_8
- ↑ Khardi Y., Lacombe G., Kuper M., Taky A., Bouarfa S, Hammani A. 2023. Pomper ou disparaître : le dilemme du renforcement des khettaras par le pompage solaire dans les oasis du Maroc. Cahier agricultures, Volume 32. https://doi.org/10.1051/cagri/2022030
Cette page a été rédigée dans le cadre du projet Urbane avec le soutien financier de l'Union Européenne, avec la participation du Centre National d'Agroécologie et de Ver de Terre Production