Stratégie de renouvellement : le croisement industriel

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Prim'Holstein

Le croisement industriel consiste à utiliser des taureaux de races à viande sur des femelles laitières en vue d’augmenter le revenu généré par la viande grâce à une meilleure valorisation commerciale des veaux. Depuis plusieurs années, la proportion d’inséminations de taureau viande sur vaches laitières augmente, passant de 14 % en 2015 à 22 % en 2020. De leur côté, les inséminations pures races diminuent, avec 81 % en 2021 et 72 % en 2020. Ces inséminations de vaches laitières avec des races à viande sont réalisées avec des taureaux Inra 95, Blanc Bleu Belge, Limousin ou encore Charolais. Des organismes spécialisés dans le croisement laitier x viande apparaissent.[1]

Nous expliquerons ici pourquoi les croisements lait x viande intéressent de plus en plus les éleveurs et comment mettre en place une stratégie de renouvellement les intégrant.


Les avantages du croisement industriel

L'organisme de conseil en élevage Eilyps[2] a réalisé en 2021 une étude relevant les données GTE (Gestion technico économique) de 682 élevages laitiers en race Holstein. Le tableau ci-dessous a alors été réalisé en distinguant 2 groupes : les élevages réalisant moins de 15 % de croisement industriel (117 exploitations) et ceux réalisant plus de 50 % de croisement (180 exploitations).

Données GTE de 682 élevages en race Holstein en fonction de la part de croisements réalisés sur les vaches laitières (moyennes annuelles 2021)[3]
<15 % croisement

117 élevages

> 50 % croisement

180 élevages

ELEVAGE
SFP (Surface Fourragère Principale) 70 66
Litrage vendu (L) 670 719 621 214
TROUPEAU
Nombre VL total (Vaches Laitières) 86 77
Nombre UGB total (Unités Grands Bovins) 129 107
Taux primipares (%) 33 32
BESOIN DE RENOUVELLEMENT
Taux de réforme (%) 25.0 24.3
Taux de mortalité VL (%) 5.6 4.5
ELEVAGE DES JEUNES
Taux d'élevage (%) 34.8 31.3
Taux de renouvellement (%) 30.3 29.7
Âge au vêlage (mois) 27.8 26.5
Taux de mortalité des jeunes (%) 18.5 13.6
PROTOCOLE D'INSEMINATION
Taux de croisement (%) 9 68
Taux d'IA sexées fécondantes (%) (Inséminations Artificielles) 19 41
RENTABILITE
Vente de lait (€/VL/j) 8.1 8.3
Coût alim VL (€/VL/j) 2.3 2.1
MCA lait (€/VL/j) (Marge sur coût alimentaire) 5.8 6.2
Coproduit viande (€/VL/j) 0.77 0.89
Prix veaux (€) 87 132
Coût alimentaire troupeau (€/VT/j) 2.8 2.5
MCA atelier (€/VT/j) 5.9 6.4


On observe ici deux groupes avec des protocoles d'insémination bien différents. Le groupe qui réalise peu de croisement a ainsi une moyenne de taux de croisement de 9% contre 68% pour l'autre groupe. Le croisement industriel permet aussi de choisir les animaux avec lesquels on veut continuer à travailler et de profiter plus vite du progrès génétique. On constate que les élevages qui ont recours à plus de croisement utilisent 22% de doses sexées en plus, ce qui permet de sélectionner les femelles d’avenir. C’est d’autant plus vrai, si la stratégie de croisement est couplée avec du génotypage.

Le croisement industriel en élevage laitier permet tout d'abord de mieux valoriser les coproduits de l'élevage. Ainsi, dans les élevages réalisant peu de croisement, les veaux sont vendus seulement 87€ contre 132€ dans les élevages le pratiquant. Intégrer des inséminations de race à viande dans son protocole d'insémination permet ainsi une meilleure marge sur coût alimentaire (MCA) atelier. Les élevages réalisant plus de 50% de croisement augmente en effet leur MCA atelier de 0,5 €/Vaches Totales/j.


Cette augmentation s'explique aussi par le taux d'élevage et le taux de renouvellement. Dans les élevages où le croisement industriel est pratiqué, on élève moins de génisse car on élève seulement celles dont on a besoin et pas plus. Le taux d'élevage est ainsi diminué de 3,5% et entraîne aussi la baisse des frais d'élevage. Le taux de renouvellement est plus faible car on ne réforme pas les vaches aussi tôt que dans les exploitations avec peu de croisements. En effet, elles rapportent encore grâce aux veaux vendus.

Moins de génisses élevées conduit à une diminution du nombre de primipares dans le troupeau et donc une meilleure longévité des animaux. Cela se traduit par une amélioration de la productivité de 1 L de lait/vache/jour.[4]


Ainsi, les élevages qui utilisent majoritairement le croisement dégagent un meilleur solde permis par l'atelier lait pour se rémunérer (+0,3 €/VL présente/j). À l'échelle de l'exploitation sur 1 an, les élevages qui réalisent du croisement dégagent un solde de 38 100€/UTH lait avec 77 VL présentes en moyenne, contre 36 300 €/UTH avec 86 vaches pour les élevages qui en font moins. Avec 10 VL de moins, la stratégie de croisement permet donc de gagner 1800 €/UTH soit 3500 € pour 1,9 UTH (Unité de Travailleur Humain) en moyenne et au moins 1 heure de travail par jour.

Une stratégie de renouvellement basée sur le croisement est payante économiquement et en charge de travail.


Malgré ces avantages, il peut rester une inquiétude concernant le vêlage. On peut en effet penser que les veaux de race à viande seront trop gros et poseront plus de problèmes au vêlage. Il existe pourtant des races à viande adaptées pour les vaches laitières comme la Blanc-Bleu Belge qui est particulièrement performante pour le croisement industriel car elle améliore la conformation viandeuse des veaux tout en préservant la facilité de vêlage. Ces croisements ne posent pas plus de soucis et promettent une phase de croissance très rapide, augmentant ainsi le solde dégagé par l'éleveur.


Mettre en place une stratégie de renouvellement

Une bonne stratégie de renouvellement se réfléchit à l’échelle de 3 années : de l’insémination de la mère jusqu’au début de la lactation de la génisse produite. Il est indispensable de déterminer son besoin de renouvellement : c’est le nombre de génisses à élever afin de remplacer les vaches mortes et réformées du troupeau. Il doit également prendre en compte les évolutions d’effectif possibles en fonction des futures opportunités. Il faut donc anticiper et fixer, en fonction de ses objectifs pour les années à venir, un taux d’élevage de génisses qui doit permettre de répondre au besoin en renouvellement en incluant une marge de sécurité. Il est primordial de se limiter uniquement à l'élevage des génisses nécessaires.


Pour y parvenir, la meilleure stratégie est d'utiliser des semences sexées sur les femelles d'intérêt combinées au croisement industriel du reste du troupeau. Ci-dessous un exemple de stratégie expliquée, pour un élevage de 100 VL.


Exemple de stratégie de renouvellement intégrant le croisement industriel


Besoin de renouvellement et taux d'élevage

La première étape est de définir les besoins de renouvellement selon les objectifs de son troupeau. On a ici un troupeau de 100 vaches laitières. 25 vaches sont réformées chaque année et 5 meurent. On prend une marge de sécurité de 5% pour assurer le renouvellement. On a donc 35 génisses à élever par an.

Protocole d'insémination des génisses

On sélectionne tout d'abord les génisses qui nous intéressent. Celles-ci seront inséminées avec de la semence sexée. Cela améliorera la génétique du troupeau. Dans cet exemple, cela représente 45% des génisses donc 15 d'entre elles. On insémine le reste de façon conventionnelle, avec des semences pures (20 génisses ici). On considère une mortalité de 15% des jeunes.

On obtient ainsi 13 femelles issues des semences sexées. Des inséminations pure race, on obtient 8 femelles et 8 mâles. De l'insémination des génisses on a un total de 21 femelles pour le renouvellement. Il manque alors 14 femelles pour compléter le renouvellement.


Protocole d'insémination des multipares

Pour obtenir les 14 femelles manquantes, on insémine 30 multipares de façon conventionnelle pour avoir, avec les 15% de mortalité, 14 femelles pure race.

C'est ici que le croisement industriel intervient. Les moins bonnes vaches laitières, ou les plus âgées, sont croisées avec des taureaux de race à viande. Leur descendance n’est pas conservée dans le troupeau.[1] On insémine donc les 43 vaches restantes avec des semences de race à viande.


Bilan

Avec cette stratégie de renouvellement on obtient finalement le cheptel suivant :

  • 65 multipares
  • 35 primipares
  • 22 mâles pure race
  • 30 veaux croisés

On assure ainsi son renouvellement tout en valorisant les veaux qui seront vendus.

Pour en savoir plus sur les stratégies de renouvellement, cliquez ici.


Annexes

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Cette page a été rédigée en partenariat avec Breeder Connect

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Références

  1. 1,0 et 1,1 Réussir lait, Le croisement des vaches laitières : https://www.reussir.fr/lait/croisement
  2. Eilyps, Conseillers et experts en élevage : https://www.eilyps.fr/
  3. Eilyps, Mon protocole d'insémination de A à Z : https://www.eilyps.fr/mon-protocole-dinsemination-de-a-a-z/
  4. Eilyps, Clarifier sa stratégie de renouvellement : https://www.eilyps.fr/clarifier-sa-strategie-de-renouvellement-cest-payant/
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