La vie d'une société : de la création à la dissolution

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Une société, en tant que personne morale, représente une entité distincte de ses associés, dotée de son propre patrimoine, de droits et de devoirs. Sa création, son fonctionnement et sa dissolution sont régis par un cadre juridique précis, dont la méconnaissance peut engendrer de lourdes conséquences.

Résumé

  • Création d'une société : Une société, personne morale, est créée par la signature des statuts constitutifs. Pour exister légalement, la société doit être rendue publique via une annonce légale et une immatriculation au Greffe du Tribunal de commerce, qui délivrera le Kbis, la carte d'identité de la société.
  • Fonctionnement d'une société : La société dispose d'un patrimoine, de droits et de devoirs propres. Elle est dirigée par un gérant qui agit en son nom et l'engage par sa signature. La société a un objet social défini dans les statuts, limitant le champ de ses activités. Elle doit tenir une comptabilité rigoureuse, distinguer les charges professionnelles des charges privées et organiser au moins une assemblée générale annuelle des associés.
  • Modifications statutaires: Toute modification des statuts, comme une donation de parts sociales ou un décès d'associé, doit être formalisée par un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire, enregistrée et déposée au greffe du Tribunal de commerce. Une annonce légale peut également être nécessaire, ce qui engendre des coûts importants.
  • Dissolution et liquidation: La dissolution de la société, décidée en assemblée générale extraordinaire, marque la cessation d'activité. Un liquidateur est désigné pour gérer les actifs et les créances de la société. Un acte final de liquidation-partage est ensuite conclu entre les associés, avant la radiation de la société du Registre du Commerce et des Sociétés.
  • Risques de non-conformité: Une société sans vie sociale régulière (comptes bancaires, comptabilité, assemblées générales) risque d'être considérée comme fictive et nulle, entrainant des conséquences fiscales et la responsabilité personnelle du gérant. L'administration fiscale peut également redresser les actes anormaux de gestion, c'est-à-dire les dépenses non réalisées dans l'intérêt de l'entreprise. La création d'une société à des fins principalement fiscales peut être qualifiée d'abus de droit et sanctionnée.

Il est important de respecter les obligations légales pour assurer la validité et la pérennité d'une société.

Contexte

Une société est une personne morale. Pour être constituée, une société a besoin d’une ou plusieurs personnes qui lui donneront vie. Pour exister, cette société devra être rendue publique. Elle aura son propre patrimoine, ses propres droits et devoirs.

La naissance de la société

La constitution de la société

Une société est constituée par la conclusion d’un acte juridique, la signature des statuts constitutifs. Des actes complémentaires peuvent être conclus entre les associés : procès-verbal d’assemblée générale constitutive, règlement intérieur, convention de mise à disposition de biens en propriété ou de biens loués, engagement de conservation de parts sociales…

Dans les statuts, les actes accomplis par une personne physique avant sa constitution pourront être repris, comme ayant été fait en son nom et pour son compte et l’engageant.

La publicité légale

Pour que la société dispose de sa personnalité juridique propre, elle doit être rendue publique. La publicité légale permet de la rendre opposable aux tiers, visible, palpable en quelque sorte. Les statuts constitutifs peuvent être enregistrés au service enregistrement des impôts. Si la société devient propriétaire de biens immobiliers, l’acte notarié devra être publié au fichier immobilier. Une annonce légale devra être publiée dans un journal habilité localement, avec les éléments essentiels de la société. Les statuts constitutifs devront être déposés via le Guichet unique https://www.inpi.fr/  auprès du Greffe du Tribunal de commerce. C’est au jour de l’immatriculation au greffe, sur le Registre du Commerce et des sociétés (RCS) que la personnalité juridique de la société sera reconnue. Le Kbis alors édité deviendra la carte d’identité de la société. En parallèle le Guichet unique aura immatriculé la société auprès de l’INSEE pour obtenir un ou des n° SIRET, d’établissements, avec des codes NAF d’activités en fonction de son objet social.

Le transfert de propriété

La société ainsi constituée et publiée devient alors propriétaire des biens qui lui ont été apportés en capital social ou vendus via les comptes courants des associés. Le ou les gérants devront donc ouvrir un compte bancaire en son nom pour y faire déposer les apports en numéraire. Pour les matériels, il faudra donc faire les formulaires de cession de véhicules pour faire changer les cartes grises. Si des emprunts sont transférés avec les biens financés à la société, il faudra réaliser la délégation de ces emprunts auprès de la Banque et changer le compte à débiter. Avec le Kbis, le gérant de la société pourra justifier qu’il a le droit de signer au nom de la société et de l’engager. Tous ses fournisseurs et ses clients  lui demanderont une copie du Kbis, accompagné certainement d’un RIB de la société. Les factures devront désormais être libellées au nom de la société avec son propre n° TVA intracommunautaire. Le gérant doit pouvoir justifier de son statut pour agir au nom de la société. Par exemple, il lui faut compléter un petit formulaire auprès de la poste pour avoir le droit de recevoir un courrier recommandé avec avis de réception au nom de la société. La société devra également assurer ses propres biens et notamment l’utilisation intérieure des bâtiments d’exploitation.

Faire vivre la société

Le gérant et les associés exploitants font vivre la société

Au quotidien, c’est le gérant qui agit au nom et pour le compte de la société. Par sa signature il engage la société.

Dans les statuts ou dans un pacte d’associés, les pouvoirs du gérant peuvent avoir été limités : pour certains actes importants, le gérant devra obtenir l’autorisation préalable d’une majorité des autres associés, telle que prévue entre eux. Cependant cette limitation des pouvoirs du gérant ne vaut qu’entre les associés, et ne joue pas vis-à-vis des tiers.

La société a un objet social défini dans les statuts. Le champ de ses activités doit y être assez précisément défini. Le gérant est tenu de réaliser des actes dans le cadre de l’objet social et dans l’intérêt social.

Les associés exploitants, quant à eux, travaillent au nom et pour le compte de la société. Ils ont droit en contrepartie à une indemnisation pour ce travail, fixée conventionnellement, une rémunération qui sera décomptée avant partage du résultat entre l’ensemble des associés.

Les comptes de la société doivent être régulièrement tenus

La société doit avoir son propre compte bancaire et avoir sa propre comptabilité. Oui, la tenue d’une comptabilité est obligatoire, même pour un GFA ou une SCI. Le Code de commerce impose la tenue d'un livre-journal, d'un grand livre et d'un livre d'inventaire. Selon le régime fiscal, les obligations comptables et fiscales seront plus ou moins détaillées, et l’intervention d’un expert-comptable en dépendra.

Au sein de la comptabilité de la société, il sera important de bien distinguer les charges professionnelles des charges privées et de ne pas trop mélanger les règlements privés pour le compte de la société, et a contrario les règlements de la société pour des charges privées. L’ensemble de ces flux doit être tracé au sein des comptes courants des associés. Des quotes-parts de frais et charges peuvent être décidés par les associés, par exemple pour la consommation d’eau ou d’électricité entre l’habitation et les bâtiments d’exploitation.

Un suivi rigoureux des comptes de la société et des assemblées générales est nécessaire pour connaître les droits de chacun des associés dans la société, notamment le suivi du montant de leurs comptes courants d’associés.

Selon son régime fiscal, la société aura une déclaration fiscale à établir, au moins une par année civile. Si la société n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés, ce sont ses associés qui devront par transparence déclarer leur part de résultat dans la société sur leurs déclarations d’impôt sur le revenu.

Une réunion des associés au moins une fois par an

Pour qu’une société vive, elle doit pouvoir justifier de réunions régulières de ses associés, au moins une fois l’an pour l’approbation de la clôture des comptes en assemblée générale, que l’on appelle assemblée générale ordinaire. Le gérant doit présenter aux associés la comptabilité de la société, au moins le compte de résultat et le bilan. Les associés doivent décider de l’affectation du résultat. En principe, la discussion des associés doit également porter sur les projets des années à venir.

Le gérant doit rendre compte de sa gestion lors cette assemblée générale annuelle et la soumettre à l’approbation des autres associés. Ce rapport de gérance peut être verbal. Les associés peuvent poser des questions au gérant et demander à consulter l’ensemble des documents juridiques, comptables et déclaratifs de la société, et en emporter une copie. Les associés sont donc les premiers à vérifier que les actes du gérant ont bien été réalisés dans le cadre de l’objet social et dans l’intérêt de la société. En cas de contrôle fiscal, les impôts pourront également vérifier s’il existe d’« actes anormaux de gestion ».

Le gérant a également l’obligation de présenter à l’assemblée générale annuelle un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants, en dehors des opérations courantes conclues à des conditions normales. Il s’agit du rapport sur les conventions réglementées (cf. infra). Il doit également mentionner les conventions passées entre la société et une société dans laquelle la gérance est associée indéfiniment responsable ou gérante.

Les constructions / plantations

La société est-elle propriétaire de biens immobiliers ? A la création, les associés ont pu apporter par acte notarié des immeubles (terres, bâtiments) en propriété à la société. Par la suite la société peut également acheter des immeubles.

Mais le plus souvent, la société d’exploitation est seulement locataire de ces immeubles ou bénéficiaire d’une convention de mise à disposition (art L. 411-2 C. rural sur la propriété d’un associé exploitant ou art L. 411-39 C. rural sur un bien loué par un associé exploitant). Pour apporter des modifications au bien loué, la société devra en faire la demande au propriétaire. L’accord devra être formalisé par écrit. Si la société plante ou construit sur un bien loué ou mis à sa disposition, le propriétaire du sol deviendra propriétaire de ces améliorations à la fin du contrat. C’est le principe de l’accession en propriété définie par le Code civil. A la fin du contrat ou à la dissolution de la société, le propriétaire du sol (associé ou non) devra une indemnisation pour amélioration du bien loué à la société (art. L. 411-69 C. rural et suivants).

Fictive la personne morale ?

Les tribunaux ont déjà considéré comme fictive des sociétés qui n’avaient pas de compte bancaire et/ou pas de comptabilité et/ou pas de registre des procès-verbaux des assemblées générales des associés. Quand la société est qualifiée de fictive, les conséquences sont multiples, et notamment fiscales. (cf. ci-après « ce que je risque en cas de non-conformité »)

Pour les sociétés d’exploitation agricole pour éviter le risque de qualification d’abus de droit et de fictivité du montage sociétaire, la société devra disposer au moins d’une boîte aux lettres à son siège social, d’une cuve à fioul, de matériels d’exploitations. Par sécurité, on recherche une petite autonomie sécurisante dans la propriété par la société d’au moins un matériel roulant équipé.

Publicités légales des modifications statutaires

Les modifications statutaires doivent faire l’objet d’une décision d’assemblée générale des associés, qualifiée d’assemblée générale extraordinaire. Le procès-verbal de cette décision devra être enregistré au service enregistrement des impôts, puis déposé au greffe du Tribunal de commerce via le Guichet unique. Les statuts mis à jour par le gérant devront également être déposés au greffe.  

Même les actes notariés de donation de parts sociales ou de dévolution successorale (suite au décès d’un associé ou du conjoint commun en bien d’un associé) doivent suivre ce chemin pour les rendre opposables aux tiers, et consultables par tout intéressé.

Si les mentions apparaissant sur le Kbis sont modifiées, il faudra également faire paraitre une annonce légale et un nouveau Kbis sera édité par le greffe.

Nécessaires registres

Outre les documents comptables, la société est tenue de disposer à son siège d’un registre des assemblées générales. Ce registre doit être côté et paraphé (par le maire ou par le greffier). Les procès-verbaux de toutes les assemblées générales y seront insérés.

Conformément à ses règles statutaires, la société devra également disposer d’un registre des parts sociales pour suivre tous les mouvements des parts sociales et rendre opposable les cessions ou donations de parts sociales à l’ensemble des associés.

En fonction de ce qui aura été convenu dans le règlement intérieur de la société, les associés pourront tenir un cahier de prise de note des réunions hebdomadaires des associés.

La mort de la société : dissolution et liquidation

Les associés peuvent décider de dissoudre la société en assemblée générale dite extraordinaire. La dissolution acte la cessation d’activité de la société. La société est dite en cours de liquidation. Un liquidateur est désigné pour procéder aux cessions des actifs et aux encaissements des créances de la société. Le liquidateur peut être l’ancien gérant.

Quand la société n’aura plus de stocks, elle devra déposer sa dernière liasse fiscale de cessation d’activité.

Ensuite les associés concluront l’acte final, l’acte de liquidation-partage de la société. Les droits de chacun seront vérifiés et rééquilibrés dans le partage des derniers actifs de la société. Là encore, pour que ces actes soient opposables aux tiers, ils doivent faire l’objet de publicités légales. La société sera alors radiée du Registre du Commerce et des Sociétés et n’aura plus de personnalité juridique.

Être en conformité

Oui Non Non concerné
Chaque associé dispose de la copie des statuts de la société et de son Kbis
Je dispose d’un registre des procès-verbaux d’assemblée générale tenu à jour
Tous les ans, nous réalisons une vraie réunion des associés pour faire le point sur le fonctionnement de la société
Le gérant réalise bien par écrit le rapport sur les conventions réglementées et l’annexe au PV d’AGO
La société a son propre compte bancaire
La société dispose d’une comptabilité
Les cartes grises des véhicules roulants de la société sont bien à son nom
Les constructions réalisées par la société ont été autorisées par écrit par le propriétaire du sol
Sur infogreffe.fr la liste des « actes déposés » comprend bien tous les actes qui ont été réalisés pour modifier la société depuis sa création

En cas de non conformité

Fictivité et nullité de la société

Le risque est de considérer qu’une société n’ayant aucune existence propre, notamment pas de vie sociale régulière, est une société fictive. Si la société est fictive, l’acte constitutif pourra être considéré comme nul, et la société perdra sa personnalité morale.

  • Par conséquent, son patrimoine appartient en indivision aux associés.
  • Le gérant sera personnellement responsable des actes qu’il avait réalisés au nom de la société.
  • La nullité de la société entraine l’annulation de la responsabilité limitée qui pouvait être liée à la forme sociétaire, les membres deviennent solidairement et indéfiniment responsables des dettes.
  • Les règles fiscales spécifiques aux sociétés ne seront plus applicables (par exp. : IS, exonération des plus-values professionnelles BA…), et on peut craindre un redressement fiscal.
  • De même le régime social choisit par le gérant ne sera plus applicable et un redressement social pourra être réalisé.

NB : A contrario, la seule preuve d’absence de vie sociale d’une société régulièrement constituée, identifiée et immatriculée, et dont l’objet statutaire a été réalisé, ne suffit pas à démontrer la fictivité de la société (C. Cass. Com., 15 novembre 2017, n° 16-20193). Il ne s’agit que d’un indice parmi d’autres.

Acte anormal de gestion et redressement fiscal

La jurisprudence fiscale a posé une limite à la liberté d’entreprendre : l’acte anormal de gestion. Il y a acte anormal de gestion quand l'entreprise va faire entrer dans ses charges des dépenses qui ne sont pas dans l'intérêt de l'entreprise, l'acte ayant comme unique objectif de faire augmenter les charges pour ainsi réduire le bénéfice imposable réalisé par l'entreprise.

L'acte anormal de gestion peut résulter d'une dépense ou d'une recette qui n'a pas été réalisée alors qu'elle aurait due l'être.

Abus de droit et redressement fiscal

Par exemple, en cas de création d’une SCI dont l’apporteur se réserve la jouissance, le risque est la qualification d’abus de droit. Le montage sociétaire est considéré comme fictif, le seul but de la détention de l’habitation par la personne morale étant de défiscaliser. L’administration fiscale recalculera les impôts dus sans déductions (par exp. CE 8 février 2019, n° 407641) et appliquera des pénalités.

En matière d’abus de droit, les actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 seront susceptibles d’être écartés par l’administration sur le terrain de la fraude à la loi, au motif de leur but principalement fiscal (loi 2018-1317 du 28-12-2018). Jusqu’alors l’abus de droit n’était craint que si le but d’une opération n’était qu’exclusivement fiscal. Désormais on parle de « mini-abus de droit ».

Le redressement fiscal pour abus de droit peut déclencher des poursuites pénales pour fraude fiscale.

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, une clause anti-abus de portée générale permet à l’administration d’écarter les montages réalisés en fraude à la loi dans un but principalement fiscal.

Références

La version initiale de cet article a été rédigée par Aurélie Brunet.


Focus sur la nullité d’une société :

  • Code civil : articles 1832 et suivants et articles 1844-10 et suivants
  • Code de commerce : articles L 235-1 et suivants et articles L 621-2 et suivants
  • Art. 1844-15 du C. Civ. : « Lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l'exécution du contrat. À l'égard de la personne morale qui a pu prendre naissance, elle produit les effets d'une dissolution prononcée par justice. »

Annexes


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