Évaluation de l’état hydrique de la vigne par télédétection spatiale

De Triple Performance
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Le Groupe ICV et l’entreprise TerraNIS développent un outil de pilotage de l’irrigation par télédétection à grande échelle. Basé sur l’analyse d’images satellites Sentinel-2, cet outil permettra un suivi graphique et cartographique simple et rapide de l’évolution de l’état hydrique de la vigne. Les satellites Sentinel-2 ont pour avantage d’observer et d’analyser la couverture végétale des sols avec une grande fréquence temporelle (une image tous les 5 jours) et une bonne résolution spatiale (10 à 20m) à partir d’images disponibles gratuitement.


Au-delà du simple suivi du statut hydrique des parcelles pour le pilotage de l’irrigation, cet outil testé dès la campagne 2022 prendra aussi en compte les objectifs « produits ». Le viticulteur pourra ainsi déterminer si son parcours hydrique est en adéquation avec le profil de vin final qu’il souhaite obtenir.


À noter toutefois que certaines limites subsistent. Notamment, une des principales contraintes des satellites optiques est qu’ils ne permettent pas de voir à travers les nuages, ce qui peut aboutir à une perte d’informations pendant une période sensible. De plus, une résolution spatiale de 10m n’est pas suffisante pour l’analyse du couvert végétal de très petites parcelles ou pour distinguer le rang de l’inter-rang enherbé par exemple.


Pour finir, une cartographie précise du parcellaire suivi, lors du paramétrage initial de l’outil, est indispensable et va conditionner l’efficience du pilotage de l’irrigation.

Contexte

Baies de raisin en cours de maturation (Pixabay).

La vigne et notamment les baies de raisin sont particulièrement sensibles à la disponibilité en eau du sol. Si une contrainte hydrique modérée est souvent recherchée au moment de leur maturation pour garantir un raisin de qualité et un taux de sucre suffisant, un stress hydrique trop important peut altérer à la fois la pérennité de la plante, les rendements mais également la qualité du vin futur.


Depuis les années 2000, le climat méditerranéen est marqué par une augmentation et une intensification des périodes de sècheresse en été. Pour faire face à la raréfaction de la ressource en eau durant le cycle végétatif de la vigne, période où le végétal est le plus sensible au stress hydrique, et ainsi maintenir un niveau de production suffisant en qualité et en quantité, de plus en plus de vignobles ont recours à l’irrigation. Pour autant, celle-ci doit être réellement maîtrisée pour faire face à la fois aux enjeux environnementaux, œnologiques, économiques et règlementaires qui en découlent.


Dans ce contexte, les outils d’aide à la décision jouent un rôle primordial pour suivre l’évolution du statut hydrique de la vigne et améliorer la gestion de l’eau à la parcelle. L’objectif est d’atteindre une contrainte hydrique optimale tout au long du cycle végétatif.

Problématique et objectifs

Il existe de nombreux outils d’aide à la décision permettant de suivre le statut hydrique de la vigne. La méthode des APEX est la plus simple à mettre en œuvre car elle ne nécessite aucun matériel ; pour autant elle ne permet pas une mesure très précise et n’est plus possible après un écimage.

Les mesures in-situ à l’aide de capteurs (potentiel foliaire hydrique, flux de sève, conductance stomatique) ou le calcul du bilan hydrique à l’aide de modèles sont, quant à eux, beaucoup plus précis mais nécessitent du matériel spécifique et l’acquisition ainsi que le traitement de nombreuses données, impliquant un temps de mise en œuvre non négligeable.

À cela s’ajoute la difficulté de la représentation de la variabilité spatiale et temporelle du statut hydrique à l’échelle du domaine ou du territoire, ce qui hypothèque la mise en œuvre et la déclinaison de ces méthodes à la bonne échelle.


Avantages et inconvénients des différents outils de suivi de l’état hydrique de la vigne (Soutenance de thèse d’Eve Laroche Pinel).


Dans ce contexte, la télédétection spatiale apparaît comme une solution pour situer le statut hydrique de la vigne sur de grands territoires, avec une très grande fréquence temporelle et une bonne résolution spatiale. Cette technique présente, en effet, un réel intérêt pour la filière afin de :

  • Identifier les zones à risques et ainsi prioriser les parcelles à irriguer.
  • Légitimer les demandes d’autorisation d’irrigation auprès de l’INAO.
  • Identifier les zones qui doivent mettre en place des solutions à long terme selon les évolutions sur les différents millésimes.
  • Vérifier la bonne gestion globale de l’eau au niveau d’un domaine ou d’une appellation.
  • Adapter le parcours hydrique en fonction du produit final souhaité.


Le déploiement récent des satellites Sentinel-2 par l’Agence spatiale européenne, a créé un appel d’air pour le développement d’outils basés sur cette méthode, faciles d’utilisation, fiables, peu coûteux et répondant aux besoins des agriculteurs.

Contexte expérimental de l'outil

Le service Oenoview® HYD, intégré à Oenoview® (outil d’aide à la décision par télédétection du Groupe ICV et TerraNIS), fait suite aux travaux de recherche conduits dans le cadre de la thèse CIFRE d’Eve Laroche Pinel intitulée "Suivi du statut hydrique de la vigne par télédétection hyper et multispectrale" encadrée par TerraNIS et l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan, en collaboration avec le Groupe ICV et le Syndicat du Cru Minervois (Aude).

Ce nouveau service de pilotage de l’irrigation à grande échelle par télédétection, basé sur l’analyse d’images satellites Sentinel-2, dont le développement de l’interface est en cours, permet un suivi graphique et cartographique simple et rapide de l’évolution de l’état hydrique de la vigne.


Exemple d’évolution temporelle du statut hydrique pour une parcelle de Cabernet Sauvignon en 2020 (Groupe ICV).


Carte de prédiction du stress hydrique issue du modèle développé pour le 26 juillet 2020 sur un domaine pilote (Laroche-Pinel et al., 2021).

À terme, au-delà du simple suivi du statut hydrique des parcelles pour le pilotage de l’irrigation, cet outil prendra aussi en compte le végétal et les objectifs « produits ». Ainsi, grâce à l’intégration de références sur les profils de vin dans l’outil, le viticulteur pourra déterminer si son parcours hydrique est en adéquation avec le profil de vin final qu’il souhaite obtenir. De plus, pour répondre à la demande des viticulteurs et faciliter leur travail, un système d’alerte automatique par mail, signalant les parcelles hors du parcours hydrique souhaité sera également ajouté.


Après avoir compris comment s’exprimaient les symptômes physiologiques du stress hydrique et déterminé les domaines spectraux les plus discriminants vis-à-vis du statut hydrique de la vigne, il a été nécessaire de vérifier si cette connaissance était transposable aux mesures acquises par les capteurs Sentinel-2, dont les caractéristiques (gratuité des images et résolution spatiale, spectrale et temporelle) en font un outil particulièrement adapté à l’observation de la végétation et au développement d’un service opérationnel. Ce travail s’est appuyé sur des jeux de données combinant des mesures de terrain (sur 3 ans, de 2018 à 2020, dans 36 parcelles) et des observations hyper et multispectrales. Cette étude a fait ressortir l’intérêt des bandes SWIR, Red-Edge et NIR pour caractériser le statut hydrique des feuilles de vigne.


Un modèle a ensuite été mis en place et testé en 2020 sur des parcelles de cinq domaines viticoles afin de vérifier la fiabilité spatiale et temporelle de ces prédictions sur le terrain, grâce au suivi des données météorologiques et d’approvisionnement en eau et à l’expertise de 5 vignerons du sud de la France. Au total, 170 parcelles de vignes, diversifiées en termes de cépages (11 cépages de rouge et 6 cépages de blanc) et couvrant 220 ha, ont été monitorées de juin à septembre 2020. Ces parcelles, non enherbées pour la plupart et proches de Carcassonne ou de Béziers, étaient soumises à un climat méditerranéen (été chaud et sec, hiver doux et humide). Des échanges réguliers ont eu lieu avec les viticulteurs pour vérifier la cohérence des résultats au niveau spatial et temporel.

Résultats

Les premiers résultats démontraient l’intérêt du modèle, tant sur le plan spatial que temporel pour le suivi de l’état hydrique de la vigne. Les parcelles les moins irriguées sont les plus stressées :


Evolution temporelle du potentiel de tige prédit par le modèle selon le type d’irrigation installée ; AERIEN : aspersion, SOL : Goutte-à-goutte, NON : non irrigué (Laroche-Pinel et al., 2021).


Cartes des statuts hydriques prédits par le modèle pour deux exploitations, irriguée (a) et b)) et non irriguée (c) et d)), à deux dates différentes, a) et c) : après une pluie le 26/07/2020, et b) et d) : lors d’un pic de chaleur le 31/07/2020 (Laroche-Pinel et al., 2021).


Une première phase de distribution pré-opérationnelle du service Oenoview® HYD, a été réalisée durant l’été 2021 (juin à août 2021) afin de définir les attentes et les besoins des viticulteurs.


Une interface transitoire, incluant moins d’options et une ergonomie non définitive, sera proposée aux viticulteurs dès l’été 2022. La version définitive de l’outil est prévue pour la saison d’irrigation 2023.

Limites et conditions de réussite

  • Une des principales contraintes du suivi de l’état hydrique de la vigne par télédétection satellite optique est l’opacité optique des nuages, qui peut entraîner une perte d’information. En effet, l’agriculteur peut être contraint d’attendre la prochaine image satellite, 5 jours plus tard, à une période critique pour la gestion du stress hydrique de ces parcelles.
  • À cela, s’ajoute la nécessité de bien connaître les pratiques culturales, notamment de l’inter-rang et la vigueur de la vigne. En effet, une résolution spatiale de 10m ne permet pas de distinguer le rang de vigne de l’inter-rang et, de ce fait, la présence d’un enherbement important dans l’inter-rang peut entraîner un biais dans l’analyse du rationnement hydrique. Pour pallier ce problème, un test sera lancé sur un vignoble de Gaillac (Tarn) en 2022.
  • Comme pour tout outil de pilotage de l’irrigation, une cartographie précise des parcelles concernées est primordiale pour garantir l’efficience du pilotage, au plus près des besoins de la plante. Le Groupe ICV et TerraNIS proposeront dans le cadre de l’abonnement à Oenoview® HYD une option complémentaire d’accompagnement à la réalisation de cette cartographie.

Témoignages

"L’outil Oenowiew est un outil simple d’utilisation, très utile pour connaître l’état hydrique des parcelles. La visualisation, sur la carte, d’une parcelle en stress hydrique se fait de manière très intuitive grâce à l’échelle de couleur. L’outil semble être un réel allié dans le travail, notamment lorsqu’on ne dispose que d’une dérogation d’un mois pour irriguer l’ensemble de son exploitation (15 juillet au 15 août). Cette durée est en effet trop courte pour fractionner les apports au regard du système d’irrigation du domaine (goutte-à-goutte de surface mobile). Celui-ci ayant déjà permis d’identifier 5ha de vignes pour lesquelles l’irrigation avait plutôt un effet néfaste sur la qualité du raisin (réserve utile du sol suffisamment remplie et excès d’eau au regard des objectifs de production en cas d’irrigation), cet outil est très utile pour prioriser les parcelles à irriguer en premier, gagner du temps en identifiant les parcelles qui n’ont pas besoin d’être irriguées pour pouvoir, à terme, fractionner les apports et réaliser des économies d’eau. " - Sandra Roche, co-gérante du domaine viticole Château Fortia à Châteauneuf-du-Pape (36ha dont 30ha plantés en vigne).

Source

Évaluer l’état hydrique de la vigne par télédétection spatiale - Bonnes pratiques pour l'eau du Grand Sud-Ouest.2022.


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Cet article a été rédigé grâce à l'aimable contribution de Bonnes Pratiques pour l'eau du grand Sud-Ouest.

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Annexes

Cette technique s'applique aux cultures suivantes

Cette technique fait référence aux outils d'aide à la décision suivants

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