Silphie

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Silphie
Production


La silphie (Silphium perfoliatum) est une plante pérenne originaire d'Amérique du Nord. Elle est utilisée pour la production de biogaz en méthanisation et comme fourrage, et elle a la réputation de résister à la sécheresse.

Semée une seule fois pour au moins 15 ans, elle nécessite très peu d'intervention et de travail du sol, peu de pesticides et elle est mellifère. C'est donc une culture intéressante pour les Zones de Non Traitement et autour des zones de captage d'eau.

Sa culture se développe en Europe, notamment en Allemagne. En France la surface cultivée en silphie atteignait 3000ha en 2021, soit un triplement de la surface entre 2020 et 2021.


Description et généralités

La première année après implantation, la silphie n'est constituée que d'une rosette de feuilles de la taille d'un chou et n'est pas récoltée. Les années suivantes elle atteint 2 à 3 m[1]. Chaque pied présente 5 à 50[1] tiges velues dont les feuilles opposées forment des "bols" qui retiennent l'eau. Cela lui vaut le nom de "cup plant" en anglais.

Silphium perfoliatum


De nombreuses fleurs fleurissent sur chaque tige, à son sommet puis sur les côtés, de mi juillet à fin septembre. Les fleurs sont composées, jaunes et de 6 à 8 cm de large[2].

La première récolte a lieu la deuxième année, et la culture atteint son allure de croisière au bout de 2 ou 3 ans, le temps qu'elle forme son système racinaire. Compte tenu du coût élevé de l'implantation, l'absence de récolte la première année est un frein non négligeable à l'adoption de cette culture. Cependant, ces coûts sont compensés en à peu près 7 ans[3], car les années suivantes il n'y a quasiment aucune intervention sur les parcelles. Et pour compenser l'absence de récolte en première année, il est possible de semer du maïs en même temps que la silphie. Il faut semer une variété au port de feuilles dressé et moins dense qu'un semis classique pour que la silphie reçoive de la lumière, mais sinon la conduite est la même que pour un maïs classique et permet d'atteindre un rendement équivalent à 50 à 80% d'un maïs seul[2]. La silphie supporte notamment l'écrasement par l'ensileuse à la récolte. Cette méthode a aussi l'avantage de réduire la pression des adventices en première année.


La reproduction de la silphie est sexuée, mais son taux de germination en conditions naturelles est assez bas. Elle est déclarée invasive dans certains états aux Etats-Unis car elle s'adapte bien à différents milieux. On considère pour l'instant que son potentiel d'invasivité est faible en Europe mais non nul, car ses graines peuvent être transportées par le vent, les oiseaux et les machines de récoltes. En France c'est la société HADN qui importe et vend les semences de silphie sous la marque Silphie France. Sa variété Abica Perfo est annoncée non invasive.


Débouchés

Biogaz

Le premier débouché de la silphie est l'utilisation comme co-substrat en méthanisation. On peut s'attendre à des rendements d'environ :

  • 300 à 350 L de gaz/kg de MS 320 L de méthane/kg de MS[4].
  • 4000m3 à 4500m3 de gaz/ha[5].

Comparée au maïs, la silphie semble produire autant voire plus de matière sèche à l'hectare[4], mais donner des rendements en méthane à l'hectare plus faibles[6][7], jusqu'à 35% de moins[8].


Fourrage

La silphie peut être utilisée comme fourrage en complément dans les rations des bovins, ovins, caprins et porcins sous forme d'ensilage ou de fourrage vert. On manque encore d'études sur sa valeur nutritive, mais des analyses de la Chambre d'Agriculture des Vosges donne des valeurs de : 0,7 à 0,8 UFL[9], avec 12,8 à 16,9% de MAT[9] (matières azotées totales) pour de la matière fraîche. Elle contient donc deux fois plus de protéines que le maïs mais moins d'énergie.

Valeurs alimentaires moyennes 2020-2021 calculées par la Chambre d'Agriculture Grand-Est[10] :

%MS UFL PDIA PDIE PDIN CB
Silphie (récoltée au stade bouton floral) 13 0.7 18 64 52 255
Maïs 30 0.9 18 52 66 205

Silphie France recommande de ne pas en incorporer plus de 30%[9] dans la ration pour éviter l'acidose.


Papier, isolation, colle

D'autres utilisations de la silphie sont étudiées mais pas encore développées. On peut notamment la triturer pour en extraire la cellulose.


Mode de culture

Type de sol

D'après Silphie France, il est possible de cultiver la silphie sur tous les sols sauf les sols très acides. En dessous d'un pH = 6 il faut apporter 1 à 1,5t/ha de chaux. Les sols drainés conviennent, mais aussi les sols temporairement engorgés car la silphie résiste deux mois et demi immergée[2].

Pour maximiser le rendement, il vaut mieux un sol un peu humide et neutre à basique. Il faut un sol assez profond ou une roche friable en dessous permettant une exploration racinaire importante. En résumé, une bonne terre à maïs est une bonne terre à silphie.


Climat

Elle est utile pour sécuriser les récoltes et les revenus en cas d'aléas climatiques car elle résiste bien :

  • aux pluies excessives et aux inondations,
  • au gel (sauf au semis),
  • à la sécheresse.

En pratique c'est surtout sa résistance à la sécheresse qui intéresse les agriculteurs, et il est vrai qu'on trouve des parcelles de silphie de 2 ou 3m, fleuries, en pleine sécheresse.

Pourtant, les études scientifiques sont plus mitigées et les preuves de cette résistance manquent encore. La silphie utilise environ autant d'eau que le maïs ou la luzerne[11] mais l'utilise moins efficacement que le maïs (33 kg/ha/mm et 50 kg/ha/mm respectivement[11]). Il semble cependant que ses besoins en eau soient concentrés sur la fin de printemps et la fin de l'été donc à des périodes moins critiques de plus, elle ne flétrit pas même si elle manque d'eau, ce qui expliquerait peut être sa résistance. Dans des sols profonds et meubles, ses racines peuvent effectivement s'enfoncer jusqu'à plus d'1,50m[11][12], voire jusqu'à 2,7m dans des loess profonds[13], mais il n'est pas certain que cela augmente sa capacité d'absorption[11]. Il semble notamment que la croissance racinaire ne s'adapte pas en cas de stress hydrique, contrairement au maïs et à la luzerne. Et les rendements en matière sèche[7] comme en méthane sont réduits en cas de sécheresse. (-6% du rendement spécifique en méthane[7], et-40% du rendement en méthane à l'hectare[11]).


Fertilisation

Silphie seule : 130 kg N/ha l'année d'implantation puis 100 à 160 kg N/ha pour un objectif de rendement de 12 à 20 TMS/ha[2] chaque année.

Elle assimile bien le digestat issu de la méthanisation. Silphie France recommande d'épandre au printemps en fractionné, à raison de 50m3/ha maximum[2].

Silphie sous maïs : fertiliser la première année comme un maïs habituel.

De plus, pour un rendement de 15 à 20 tMS/ha, il faut s'attendre à des exportations de nutriments de :

  • 60 à 70 Unités /ha de  phosphore,
  • 240 à 300 Unités/ha de potasse,
  • 80 Unités /ha MgO,
  • 280 à 420 Unités/ha CaO.[2]


Semis

Il faut semer après les dernières gelées, de fin avril à mi juin. On utilise un semoir monograine ou un semoir avec rouleau presseur à l'arrière. La parcelle doit être nivelée à l'automne précédent, bien propre et la terre travaillée finement.

Le paramétrage du semis est le suivant :

  • 0,5 à 1 cm de profondeur, voire 2cm maximum en cas de risque de sécheresse,
  • 37,5 à 75 cm d'inter-rang,
  • 2,3 à 3kg/ha, soit 11 à 15 graines/m², pour atteindre une densité d'au moins 4 plantes/m² [2],
  • Silphie sous maïs : on alterne un rang en silphie et un en maïs, avec 50 000 à 75 000 graines de maïs par hectares[2], pour laisser assez de lumière à la silphie.

Le taux de germination est garanti par Silphie France supérieur à 90% grâce à de la sélection et un traitement thermique pré-germinatif. Cela justifie le prix de la semence qui est d'environ 1710€/ha[9].


Désherbage

La silphie pousse lentement la première année et est donc sensible aux adventices. Elle doit donc être semée sur une parcelle bien propre, après avoir travaillé le sol plusieurs fois. Idéalement, le précédent doit être une culture d'hiver, étouffer les adventices et ne pas être du colza, du tournesol ou du soja[1]. Il n'y a pas d'herbicide homologué pour cette culture et peu de produits sont adaptés. Le désherbage chimique est possible avec de la pendiméthaline en post semis/pré levée, et en automne après la récolte, contre les graminées. Sinon, il faut désherber mécaniquement, avec une bineuse par exemple.

Une fois le couvert bien installé, les adventices sont étouffées et plus aucun désherbage n'est nécessaire (même les feuilles inférieures de la silphie meurent à cause du manque de lumière). Le semis sous couvert de maïs permet aussi de réduire la pression des adventices au début.

Cependant le désherbage ne semble pas incontournable puisque les agriculteurs déclarent souvent n'intervenir sur leur parcelle de silphie uniquement pour la fertilisation et la récolte.


Parasites, maladies et ravageurs

La silphie n'a pas de maladie, parasite ou ravageur déclarés à ce jour.

Les sangliers qui causent des dégâts sur les grandes cultures, ne s'intéressent pas à la silphie dont les feuilles sont rugueuses.


Récolte

La silphie à visée énergétique est récoltée une fois par an après la floraison, en septembre, quand elle présente un taux de matière sèche de 28 à 30%[9]. Pour le fourrage, elle est récoltée deux fois par an : début juin au stade "bouton floral", puis fin septembre. Les plantes trop vieilles perdent en qualité et en appétence pour le bétail.

Le rendement est de 10 à 20 t/ha selon le niveau de fertilisation et la disponibilité en eau. Par exemple pour le fourrage, on peut s'attendre à 5 à 9 tMS/ha en juin et 3 à 5tMS/ha en septembre[9].

On peut utiliser une ensileuse équipée d'un bec Kemper, ou la faucher et l'andainer avec une faucheuse-conditionneuse et la laisser flétrir trois ou quatre jours avant de l'enrubanner.


Fin du cycle de silphie

Comme cela ne fait pas encore 15 ans que la silphie a fait son retour en France, Silphie France annonce pour le moment une durée de vie de 15 ans. La documentation allemande (plus ancienne que la française) recommande aussi une durée de 15 ans[4], après quoi les rendements baissent probablement. Il faudra attendre quelques années avant d'avoir plus de documentation française sur le sujet.

Pour nettoyer la parcelle, il suffirait d'une application d'herbicide ou d'un passage de déchaumeuse à disques et/ou un labour. Pour la même raison, on manque de retours d'agriculteurs français.

La silphie est un bon précédent pour des céréales.

Décider d'implanter de la silphie

La culture de la silphie présente des atouts intéressants pour une agriculture durable, économiquement, socialement, et écologiquement. Mais bien sûr ce n'est pas une plante miracle et elle a aussi des inconvénients.


Avantages

  • Utilisable en méthanisation avec des rendements proches de ceux du maïs, et comme fourrage.
  • Une certaine résistance à la sécheresse et au gel, donc un revenu stable.
  • Culture pérenne, implantée une fois pour au moins 15 ans.
  • Peu d'intrants.
  • Peu d'interventions sur la parcelle.
  • Plante mellifère (on atteindrait 100 à 150kg de miel/ ha[2]).
  • Favorable à une certaine biodiversité de la faune : réservoir d'eau pour les insectes, habitat pour le petit gibier, mais n'intéresse pas les gros gibiers.
  • Peu de perturbation du sol, améliore sa structure, favorable aux vers de terre et aux carabes[11].
  • Reconnue comme culture à Bas Niveau d'Impact sur la qualité de l'eau. Intéressante pour une Zone de Non Traitement (ZNT) ou autour d'une zone de captage d'eau, limite le lessivage des nitrates grâce à ses racines profondes.
  • Freine l'érosion des sols, en améliorant sa structure et sa capacité d'infiltration grâce à l'absence de labour et la faune du sol.
  • La floraison sur tout l'été, esthétique, peut augmenter l'acceptabilité des cultures à vocation énergétique par le grand public, surtout si elle est plantée en ZNT près des habitations.


Contraintes

  • Implantation délicate.
  • Implantation coûteuse : 1600 à 2000€ en comptant la semence, l'engrais starter, le désherbage et le semis.
  • Pas de récolte la première année, rendements maximaux au bout de 2 ou 3 ans.
  • Sensible aux adventices en première année.
  • Pas encore reconnue comme surface d’intérêt écologique.


Coûts

Ce tableau compare certains coûts de production de la silphie et du maïs en faisant une moyenne annuelle sur 15 ans. Vous pouvez retrouver le document complet en anglais ici.

Maïs ensilage Silphie

(irriguée la première année)

Durée de production Annuelle 15 ans
Biomasse fraîche

(t/ha)

50.0 53.5
Rendement en matière sèche

(t/ha)

31 29
Fertilisation (€/ha)
  • Azote
  • Phosphore
  • Potassium
197

84

224

122

29

226

Protection phytosanitaire

(€/ha)

79 4
Total des couts variables avec subventions

(€/ha)

1254 900
Temps de travail

(heures/ha)

9.5 5.4



Sources

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Coronel A., La silphie est en lice, Agri71.fr Le journal professionnel agricole, viticole et rural de Saône-et-Loire , 16 janvier 2021 https://www.agri71.fr/articles/16/01/2021/La-silphie-est-en-lice-51197/
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 2,7 et 2,8 Silphie France https://www.silphie-france.fr/
  3. Durchwachsene Silphie in Niedersachsen (Chambre d'Agriculture de Basse Saxe, Allemagne) https://www.lwk-niedersachsen.de/lwk/news/21404_Durchwachsene_Silphie_in_Niedersachsen
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Conrad M., Biertümpfel A., Dr. Vetter A., Durchgewachsene Silphie (Silphium perfoliatum L.) - von Futterpflanze zom Koferment http://www.tll.de/ainfo/pdf/silp1109.pdf
  5. Silphie France, Abica Perfo, Silphium perfoliatum, culture de silphie perfoliée https://www.relations-publiques.pro/wp-content/uploads/pros/20210301144256-p3-document-dpil.pdf
  6. Perrin A., Méthanisation - Exposé - Le pouvoir méthanogène de la silphie, Agri Startup summit https://www.youtube.com/watch?v=L5FiQZOQbho
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Schoo B., Kage H., Schittenhelm S., Radiation use efficiency, chemical composition, and methane yield of biogas crops under rainfed and irrigated conditions, European Journal of Agronomy Volume 87, July 2017, Pages 8-18 https://doi.org/10.1016/j.eja.2017.03.001
  8. Ruf T., Emmerling C., The effects of periodically stagnant soil water conditions on biomass and methane yields of Silphium perfoliatum, Biomass and Bioenergy Volume 160, May 2022, 106438 https://doi.org/10.1016/j.biombioe.2022.106438
  9. 9,0 9,1 9,2 9,3 9,4 et 9,5 Mechekour F., La silphie, une pérenne remise au goût du jour, ReussirLait, 6 juillet 2021 https://www.reussir.fr/lait/la-silphie-une-piste-creuser-pour-pallier-un-deficit-en-fourrages-chez-les-bovins?fbclid=IwAR2zwDQ8_zXYxRkwWKowDKR8T9bNOqm2GESmGUnoSGrMqmpBHWD5bYWmaX8
  10. Choffel N., Silphie, Les premières années de suivi par les Chambres d'Agriculture
  11. 11,0 11,1 11,2 11,3 11,4 et 11,5 Dauber J., Müller A. L., Schittenhelm S., Schoo B., et al. Agrarökologische Bewertung der Durchwachsenen Silphie (Silphium perfoliatum L.) als eine Biomassepflanze der Zukunft, Bundesministerium für Ernährung und Landwirtschaft, Octobre 2015 https://literatur.thuenen.de/digbib_extern/dn056633.pdf
  12. Schoo B, Wessel-Terharn M, Schroetter S, Schittenhelm S (2013) Vergleichende Untersuchung von Wurzelmerkmalen bei Silphie und Mais. Mitteilungen der Gesellschaft für Pflanzenbauwissenschaften 25, 241-242. https://www.gpw.uni-kiel.de/de/gpw-tagung/tagungsbaende/tagungsband-2013
  13. Schittenhelm, S. ;  Schoo, B. ;  Schroetter, S., Yield physiology of biogas crops: comparison of cup plant, maize, and lucerne-grass, Journal für Kulturpflanzen 2016 Vol.68 No.12 pp.378-384 ref.27 https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/20173022773

Annexes

  • Vous pouvez trouver sur ce lien un tableau de comparaison de plusieurs cultures méthanogènes réalisé par la Chambre d'Agriculture d'Alsace.



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