Création d'un atelier de pâtes fermières

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L'EARL Delimo a mis en place un atelier de transformation du blé dur produit sur la ferme en pâtes fermières qui sont vendues en grande distribution, en circuit court, à la ferme et en restauration collective.

Présentation de l'EARL Delimo

L'EARL Delimo est une exploitation familiale céréalière gérée par Samuel Jacquet et son père.

  • SAU : 80ha
  • Productions :
  • Exemple de rotation en place : 2 Maïs - 1 Soja - 1 Blé dur - 1 Orge, blé tendre ou pois chiche. La rotation s'effectue sur 6 ou 7 ans environ.
  • Transformation du blé dur en pâtes dans le labo à la ferme et transformation du blé tendre en farine.
  • Sol argilo calcaire, 18% d’argiles, très caillouteux
  • 80% des parcelles sont irrigables soit en intégral soit en enrouleurs (ils en ont 3) par l’eau de la Bourne et/ou des pompes.
  • Adhésion à une CUMA composée d’une dizaine d’exploitations : matériel de semis, de travail du sol, strip-till, matériel pour détruire les couverts.


Motivations

Lors de son installation en 2016 avec son père, Samuel Jacquet avait déjà pour projet de transformer le blé dur produit sur la ferme en pâtes fermières. Pendant ses études, Samuel voulait faire un petit projet agricole, à taille humaine : développer un atelier de poules pondeuses et valoriser l'œuf sur la ferme via la production de pâtes fermières.

En se renseignant, Samuel a appris que l’œuf n’était pas du tout un critère de qualité pour les pâtes : on met de l’œuf quand il manque de protéines ou qu’il y a trop de mitadin dans le blé dur pour lier ou avoir les protéines. Donc, petit à petit les poules sont sorties de l’équation.

Ce projet a été mûri pendant 5 ans, durant lesquelles Samuel a mené de nombreuses recherches, réalisé une étude de marché pour évaluer la demande, testé des machines, appris à faire les meilleures pâtes possibles tout en limitant les investissements dans un premier temps.

En février 2017, la transformation et la commercialisation des pâtes a commencé.

Mise en place d'un atelier de pâtes fermières

On distingue 3 types de pâtes :

  • Les pâtes blanches : il n’y a que le centre du grain, pauvre en nutriment mais il y a les protéines
  • Les pâtes semi complètes : on rajoute le son et le germe du grain riche en nutriments
  • Les pâtes complètes

Samuel a repris la recette traditionnelle des pâtes qui a été abandonnée des industriels en raison de son coût élevé.

Types de pâtes


Voici les différentes étapes du montage d'un atelier de pâtes fermières.


Etude de marché

Dans un secteur comme la Drôme, il est assez simple de se lancer dans ce genre de projet car il y a déjà une grande dynamique autour des produits locaux, beaucoup de magasins de producteurs... C'est à la fois plus simple car les Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) connaissent le sujet, orientent rapidement les projets et offrent beaucoup d’aides et de conseils.

L’étude de marché est une étape à ne pas négliger. Quand on est dans un département où il n'y a pas encore beaucoup de produits locaux, c’est vraiment important de le faire pour s'assurer qu'il existe une demande de la part des consommateurs. Il faut également bien regarder ce qu’il se fait autour et les possibles concurrents sur le marché.

Samuel a mené une étude en la partageant sur Internet : il a récolté 200 réponses. Il est ensuite allé lui-même voir les magasins, avant d’avoir ses propres pâtes (1 an avant) pour savoir si ça pouvait les intéresser, que ce soit les grandes surfaces ou les petits magasins. L’objectif était d’être sûr d’avoir de la vente dès le lancement du projet.

Les enquêtes ont été diffusées sur Facebook et Internet en général, via la chambre d’agriculture, partagées à des sociétés, à des réseaux personnels et professionnels. La diffusion par les réseaux sociaux a permis d'obtenir un grand nombre de réponses mais il faut être vigilant car ces réseaux représentent une certaine tranche d’âge de la population. Facebook semble le réseau le plus intéressant pour s’intéresser aux clients car ça représente des personnes entre 25 et 45 ans environ, donc ça touche plus de clients. Instagram représente plus de jeunes : entre 15 et 30 ans. Il faut donc trouver son réseau en fonction des cibles et clients (pour l'étude de marché et pour la communication en général).

Cette étude de marché a été portée pendant 2 mois, au bout des 2 mois Samuel a vraiment développé le projet : demande d’aides, commande des machines, mise en place des partenariats avec la chambre d’agriculture pour se renseigner.


Formations

Lorsqu’on commence la transformation, on est multi-casquettes : transformateur, commercial, agriculteur. Il est important de se former à toutes ces facettes du métier.

Samuel s’est essentiellement formé à l’aspect marketing via une formation proposée par la Chambre d'Agriculture de la Drôme intitulée "Marketing, vente et circuits courts" pris en charge par les fonds Jeunes Agriculteurs.

Pour la partie production, Samuel est en partie autodidacte.  Il est allé voir des fermes qui faisaient des pâtes fermières en Drôme (ils étaient déjà deux à cette époque-là). Il s’est renseigné auprès d’eux pour le montage d’un tel projet et pour savoir si son installation n’allait pas les gêner. Il a rencontré tous les producteurs des départements limitrophes. Il s’est beaucoup renseigné tout seul et il s’est aidé d’Internet car avec cet outil on peut trouver toutes les informations et surtout on peut croiser les données.  Il réalise ses recherches par mots clés, par exemple en tapant "pâtes", il va tomber sur des trucs "tout bêtes", puis regarder des reportages de pâtes industrielles pour comprendre leur fonctionnement, puis des reportages sur des pâtes fermières, etc... Il faut aussi savoir chercher car parfois sur Google, il faut un peu jouer sur les mots. Mais dès qu’on a un projet à mettre en place, il faut chercher, se renseigner auprès des OPA, d’associations qui peuvent aider dans les demandes d’aides mais aussi se rapprocher d’autres producteurs dans la même démarche.


Matériel

Pour choisir les machines, Samuel s’est beaucoup renseigné. Il a contacté des fournisseurs et a testé les machines chez des vendeurs. On trouve les infos sur Internet et après il ne faut pas hésiter à aller voir les agro-fournisseurs qui proposent d’essayer les machines ou des formations. Il faut être curieux et avoir envie !

Le problème c’est que tout prend beaucoup de temps.

Matériel nécessaire pour la transformation des pâtes :

  • Stockage : La récolte de blé dur est stockée directement à la ferme dans un silo équipé d’une ventilation, pour empêcher les pics de chauffe. Cela permet d’avoir un grain homogène et d’éviter tout risque de détérioration de la qualité. Tous les stockages de farines sont bien fermés hermétiquement pour éviter les mites.
  • Trieuse : Le grain est passé dans une trieuse, qui le sépare de toutes autres impuretés. Le grain est ensuite brossé pour enlever toute trace de poussière, cela permet d’obtenir une semoule d’excellente qualité exempte de toutes impuretés. Cela garanti aussi une sécurité alimentaire en enlevant toute trace de mycotoxine
  • Moulin : Le blé dur nettoyé est ensuite moulu avec un moulin à meule de pierre de granite (de fabrication française), pour respecter la qualité de la semoule. Sa vitesse de rotation lente permet de moudre le blé dur sans risque d’échauffement du grain (le blé est moulu à une vitesse de 20 kilos/h). La qualité obtenue avec ce type de moulin est excellente. Une fois moulue, la semoule est séparée de l’enveloppe (le son) car celle ci n'est pas digeste.
  • Extrudeuse : La transformation des pâtes est effectuée par une extrudeuse (fabriquée et achetée en Italie). Elle produit un mélange homogène grâce à un refroidissement du moule en continu, la pâte garde la même température jusqu’à la sortie du moule. Les formes de pâtes sont obtenues grâce aux moules sur l'extrudeuse.
  • Séchoir : Les paramètres de séchage évoluent en permanence et les réglages sont affinés régulièrement. Contrairement aux pâtes industrielles qui sont séchées en circuit très court, les pâtes de l'EARL Delimo sont séchées dans un séchoir statique. Une moyenne de 16h de séchage est nécessaire afin de limiter la température et donc de garder leur saveur.
  • Ensacheuse avec double vérification de pesée (obligatoire). Les sachets utilisés sont en papier kraft pour leur solidité, leur esthétique et un côté naturel.



Vigilance : Comme les traitements sur le blé sont diminués sur la ferme, il y a plus de risques de développer des mycotoxines (dues aux maladies telles que la fusariose). Ces champignons, même chauffés à 100°C lors du passage dans le moulin ne vont pas mourir. Ils peuvent apporter des problèmes de digestion, ou des vomissements, nausées…


Résultats

Volumes de production de pâtes

Au départ, Samuel avait pour projet de faire 50 tonnes de pâtes par an, c’était un projet un peu fou et petit à petit le volume de production a été réduit, en fonction des capacités de l'atelier.

La production de pâtes a démarré en 2017 avec un volume de 7-8 tonnes.

En 2021, Samuel a produit 15 tonnes, pour une capacité de production maximum aux alentours de 20 tonnes. Au-delà de ce volume de production, Samuel serait contraint d'embaucher des salariés, ce qu'il ne souhaite pas faire pour l'instant.

Cette production permet de vivre mais cela demande un ETP juste pour l’atelier pâtes.

270 paquets de pâtes sont produits en 10h de travail, alors qu'un industriel fait ça en 10 min.


Commercialisation

Points réglementaires

Voici quelques conseils de Samuel en termes de réglementation pour la production de pâtes fermières :

  • Pour l’indication de la date limite de consommation, il ne faut pas écrire DDM, mais "A consommer de préférence avant fin". C’est la loi. De même, le terme "fermières" est utilisable pour définir les pâtes produites mais pas "artisanales" car ce n’est pas le même métier. Le terme "pâtes" n'est utilisable que lorsqu'elles sont produites à partir de blé dur, dans le cas de pâtes au petit épeautre, on ne peut pas utiliser ce terme de "pâtes". Pour connaître toutes ces informations, il faut contacter les autorités sanitaires qui donnent tous les textes de loi et se rapprocher des Chambres d'Agriculture.
  • Il y a des contrôles des services vétérinaires : vérification de la propreté de l'atelier de transformation, envoi des pâtes au laboratoire pour vérifier l'absence de mycotoxines par exemple...


Création de marques de pâtes

Samuel a créé 2 marques pour vendre ses pâtes, toutes deux déposées :

  • Sam & Pâtes pour la Grande Distribution avec qui il travaille en direct et en local (30% des ventes)
  • Terre de blé pour la vente en Circuit Court, en magasins bio et la vente à la ferme  (60% des ventes)
  • Restauration collective : cantines scolaires des écoles majoritairement (10% des ventes). Pour développer la vente en restauration collective, l'EARL Delimo va être certifiée HVE3 pour que les produits commercialisés entrent dans la loi EGALIM et ainsi faciliter les contrats avec les cantines.
  • Les pâtes sont commercialisées dans environ 70 magasins (magasin spécialisés et magasin de grandes distribution).


Vente à la ferme et marchés

La vente en circuit court est le principal canal de commercialisation de l'atelier de pâtes.

La vente à la ferme a été commencée lors du 1er confinement. Le magasin ouvre désormais le mercredi en fin d'après-midi.  

Pour faciliter les transactions lors des ventes à la ferme ou sur les marchés, Samuel s'est équipé d'un lecteur de carte sans abonnement mais avec une commission à chaque vente. Facile d'utilisation, cette solution est connectée au téléphone, il suffit d'avoir la 4G pour l'utiliser.


Bilan économique

Investissement

Pour développer son activité de transformation de pâtes à la ferme, Samuel a fait construire un laboratoire neuf pour répondre aux normes alimentaires de transformation de produits non carnés.

L'investissement total du bâtiment et du matériel s'élève à 200 000€.

Il est possible d'obtenir des aides à hauteur de 20% de l'investissement de la part de l'Europe (se renseigner auprès des chambres d'agriculture).


Chiffre d’affaires

Avant de se lancer sur un tel projet, il faut bien étudier la rentabilité économique de l'atelier. Samuel a fait beaucoup d’études économiques, aidé par la chambre d'agriculture de la Drôme, pour définir le prix d’achat des produits que les clients sont capables de payer et le coût de revient des pâtes pour l’exploitation. Aujourd’hui si Samuel prend le volume de pâtes produit, le temps de travail, il faudrait qu’il augmente ses prix de 50ct mais ce n'est pas possible car à ce prix là les clients ne l’achèteraient peut-être plus et comme le marché est saturé il faut rester compétitif et il ne peut pas choisir son prix si librement.

Les producteurs de pâtes qui sont seuls dans leur département et ils ont pu fixer leur prix de vente très librement.


Quelques chiffres d'affaires :

  • 1ère année : 35 000€
  • Maintenant : 60 000€

La rentabilité économique est atteinte mais pas la rentabilité de travail : toutes les charges sont remboursées depuis la 1ère année mais la main d’œuvre n'est pas payée à sa juste valeur (pour le moment, le salaire payé pour la transformation est d'environ 3,5€/h).


Conseils

  • Attention aux anarques, démarchages de tous types lorsqu’on se lance dans la transformation et mise en vente directe de produit : dès qu’on nous demande de l’argent ou un abonnement, il faut se méfier.
  • En Drôme-Ardèche, le marché des pâtes fermières commence à être saturé : près de 36 exploitations proposent ce type de produits, mais il reste d’autres secteurs où il y a encore beaucoup de demandes : le pois chiche ou encore les lentilles par exemple.


Retrouvez le témoignage de Samuel Jacquet dans la vidéo suivante réalisée par une équipe d'étudiants de l'EM Lyon :



Pour en savoir plus...

N'hésitez pas à consulter cet autre article présentant le mode de culture des céréales sur l'exploitation :


Retrouvez toute l'actualité de l'EARL Delimo :


Annexes

Leviers évoqués dans ce système

Matériels évoqués dans ce retour d'expérience

Cultures évoquées


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