Application des principes de la biodynamie et du biocontrôle dans une approche globale de protection du verger

De Triple Performance
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Au Soleil d'Ardèche


Patrice Saussac intègre depuis plus de 20 ans des produits de biocontrôle afin de produire en respectant l'environnement et la santé humaine. Il nous explique dans cet article comment s'intègrent ces produits dans son système de lutte intégrée.

Présentation de l'exploitation

La ferme Au Soleil d'Ardèche, en bref

Au Soleil d'Ardèche est une ferme familiale du sud Ardèche en agriculture biologique depuis plus de 20 ans, spécialisée en arboriculture et cultures légumières de plein champ. Sont produits sur la ferme :

  • des pêches (2,25 ha)
  • des pommes (2,25 ha), variétés cultivées : Pitchounette, Harmonie®, Initial, Opal®, Garance®, Chantecler et Delfloga. Une partie de la production est transformée en jus de pomme sur la ferme.
  • des pommes de terre (1 ha)
  • des courges d'hiver (0,5 ha)
Vue de la ferme


Les fruits et légumes produits sur la ferme sont principalement commercialisés en circuit-courts :

  • 50% en magasins de producteurs et bio du secteur
  • 25% en vente à la ferme
  • 25% chez des grossistes

Contexte pédoclimatique

Les motivations

  • Précurseur dans l'utilisation de ces produits, Patrice a fait partie du Comité pour la Valorisation de la Production Intégrée (COVAPI) dont l'objectif était de mettre sur le marché des produits qui se distinguent par la réduction des intrants et des résidus phytosanitaires.
  • Depuis plusieurs années, Patrice Saussac fait partie d'un groupe de travail composé de 6 arboriculteurs en agriculture biologique sur le secteur (Drôme-Ardèche). A l'occasion d'une réunion annuelle, ils font un point sur leurs activités respectives de l'année, identifient leurs besoins et se rapprochent des conseillers du GAB de la région (Agribio Ardèche) et de la chambre d'agriculture pour chercher des solutions à leurs problématiques de travail et se former.
  • Les expérimentations mises en place sur la ferme de Patrice Saussac sont réfléchies avec son voisin arboriculteur et donc communes sur leurs deux fermes.
  • Patrice Saussac a ainsi toujours eu une utilisation raisonnée des produits de protection des plantes et est en recherche constante d'amélioration de son système pour produire de façon intégrée. Au fil des expérimentations et tests réalisés, des produits de biocontrôle ont été régulièrement intégrés dans la stratégie de lutte de la ferme.


Patrice Saussac utilise ainsi des produits de biocontrôle pour deux raisons principales :

  • limiter son impact sur l'environnement
  • produire sans impact sur la santé humaine, que ce soit pour l'agriculteur ou l'applicateur des produits, et le consommateur.

Les pratiques mises en place

Produits de biocontrôle

Confusion sexuelle

Patrice Saussac utilise la confusion sexuelle sur :


La confusion sexuelle est installée juste après la floraison des arbres.

Virus et bactéries

Patrice Saussac utilise la carpovirusine, produit à base de Cydia pomonella Granulovirus (CpGV), et Bacillus thuringiensis (Bt) sur pêches et pommes pour lutter contre les carpocapses, en association avec un modèle capable de simuler les stades des bioagresseurs.

  • Dès le début du stade larvaire, les traitements de carpovirusine ou de Bacillus thuringiensis sont appliqués sur les arbres. Les deux traitements sont utilisés en alternance : le cumul des systèmes de lutte permet d'augmenter l'efficacité des produits de biocontrôle et ainsi diminuer les possibles entrées des ravageurs dans le verger. En effet, en utilisant seulement la carpovirusine, Patrice Saussac observait des piqûres de carpocapse sur les fruits.
  • En général, les traitements débutent à la mi-mai jusqu'à mi-juillet, à la fin des stades larvaires. Les traitements sont réalisés le soir pour limiter la photosensibilité.
  • Les traitements reprennent ensuite début août pendant 15 jours.
  • Sur ces périodes, les traitements sont appliqués tous les 10 jours. Au total, 6 traitements de carpovirusine et 2 traitements de Bacillus thuringiensis sont posés. Les doses appliquées sont celles préconisées par les fournisseurs.

Nématodes

Des nématodes entomopathogènes, Steinernema feltiae (sous le nom commercial Capirel), sont appliqués à l'automne pour lutter contre les stades hivernants de vers des fruits à l’instar des carpocapses des pommes et des tordeuses orientales du pêcher. Ces nématodes ont été intégrés au système de lutte il y a 4 ou 5 ans : cette technique permet de renforcer la lutte par carpovirusine et Bt et diminuer encore le stock de bioagresseurs.

Soufre

La lutte intégrée par les virus, les bactéries et la confusion sexuelle est renforcée par des traitements sulfuriques sur pêches et pommes essentiellement. Dans l'objectif de diminuer la dose de soufre utilisée chaque année, les traitements de soufre sont associés à de l'achillée millefeuille.

Choix des produits

Le choix des produits de biocontrôle intégrés au système de lutte dépend essentiellement d'un objectif : limiter les impacts négatifs de l'agriculture sur les auxiliaires afin de préserver la biodiversité et bénéficier de ses services.

Par exemple, il serait possible d'utiliser du Spinosad à la place de Cydia pomonella Granulovirus (CpGV) car son efficacité est supérieure mais ce produit détruit un partie des guêpes prédatrices du puceron, il n'a donc jamais été question de l'intégrer au système de lutte de la ferme.

Les produits utilisés dans le cadre de cette lutte ne sont pas figés, en effet, lorsque des techniques permettent d'améliorer le système elles sont directement testées puis intégrées, remplaçant parfois d'autres techniques moins fonctionnelles. Le système mis en place est donc en constante évolution.

Cette recherche constante de nouvelles techniques de lutte intégrée demande un travail de veille non négligeable par la lecture des compte rendus de recherches des instituts techniques et des fiches produits envoyées par les différents fournisseurs.

Préparations biodynamiques

La ferme de Patrice Saussac est certifiée Demeter (agriculture biodynamique), il utilise donc des préparations biodynamiques pour soigner, fortifier et protéger ses vergers.


Extraits végétaux

Patrice Saussac utilise également des décoctions et tisanes à base de prêle et d'ortie, en association avec du cuivre pour renforcer son action et lutter contre les champignons (notamment la tavelure). Cette association permet également de diminuer la fraction de cuivre métal utilisée à chaque application, Patrice Saussac utilise actuellement 300g de Cuivre métal par application.

L'inconvénient de cette technique est la nécessité de préparer les décoctions et les tisanes au bon moment, selon le calendrier.

Bouillie sulfocalcique

Patrice Saussac utilise de la bouillie sulfocalcique (soufre mélangée à de la chaux) pour lutter contre :

  • la tavelure pour les pommiers, dosée à 10-12 L/ha
  • la cloque sur pêches à la dose de 10 à 12 L/ha

La dose appliquée dépend de la durée d'humectation et de l'action du précédent.

Sonde connectée

Suite à une grosse pression de tavelure que les produits de biocontrôle n'ont pas permis de gérer efficacement il y a 3 ans, Patrice Saussac et son voisin ont investi dans une station météo connectée permettant de modéliser les pressions sanitaires grâce à la mesure de l'humectation du feuillage et de la température.


La sonde est positionnée :

  • sur une parcelle plutôt humide,
  • en mauvaises conditions,
  • très sensible aux attaques de tavelure et carpocapse.


Cet outil améliore nettement la gestion de la tavelure et du carpocapse puisqu'il indique les périodes à fort risque pour les maladies et ravageurs. Associée à des observations quotidiennes du verger, cette technique permet d'optimiser les traitements : un produit de biocontrôle de contact étant donné à 8 jours d'action, la sonde a permis de passer à 5 jours. La sonde a ainsi permis de limiter le développement de la tavelure. Cela permet un gain de temps et un appui technique essentiel dans le système de lutte intégrée.

Enherbement total du verger

Bande fleurie

Les vergers de Patrice Saussac sont totalement enherbés. Afin de limiter les consommations d'énergie fossile, Patrice Saussac a décidé de ne plus broyer les engrais verts mais de les rouler pour créer un mulch d’herbe sèche et limiter le passage du broyeur très énergivore. Les enherbements, quelques soient leur type, sont couchés après floraison de la majorité des espèces pour alimenter les pollinisateurs du verger (bourdons, abeilles sauvages et domestiques, syrphes...).

Vergers en place

  • Enherbement spontané du rang et de l'inter-rang.
  • L'inter-rang est composé de trèfle, de sainfoin et de graminées.
  • En 2021, Patrice Saussac a réalisé un passage sur le rang de pommiers pour y enlever la strate herbacée : cela faisait 15 ans qu’il n’y avait pas touché et le rang commençait à transiter vers un modèle forestier (présence de ronces et d'arbustes).
Engrais vert


A noter : Laisser toujours une bande enherbée lorsqu'on détruit des espaces pour offrir un abri aux auxiliaires.

Jeunes vergers

Des engrais verts sont semés dans les jeunes vergers pour apporter des éléments fertilisants au sol et améliorer sa structure.

  • Semis d'un engrais vert composé de vesce (apport d'azote ), avoine et pois.
  • Broyage des bois de taille

Résultats

L'ensemble des techniques utilisé par Patrice Saussac permet de faire face aux problématiques des vers foreurs des fruits et des bioagresseurs du verger en général. Il est cependant important de noter que l'application de ces pratiques sur des grandes parcelles (4ha + celles du voisin) permet d'augmenter leur efficacité et d'approcher 0% de dégâts par les ravageurs et bioagresseurs.

L'efficacité des produits de biocontrôle dépend également de la variété des pommiers, les dégâts enregistrés peuvent varier entre 0,5% et 2% : Initial et Delfloga sont plus sensibles aux bioagresseurs alors que Pitchounette et Harmonie sont moins sensibles.

Quels investissements ?

Les produits de biocontrôle sont plus chers, ils sont également plus longs à poser, notamment pour la confusion sexuelle, et demandent donc plus de temps de travail que des traitements conventionnels.

La sonde connectée installée il y a 2 ans a coûté 3 000€ à l'achat (divisé en 2 puisqu'elle est partagée avec le voisin arboriculteur) et 250€ / an de maintenance logiciel. D'après Patrice Saussac, c'est un investissement utile puisqu'il facilite grandement la gestion de son système de lutte.

Les avantages

  • Protection de l'environnement
  • Protection de la santé de l’applicateur
  • Aucun résidus après application

Conseils

La mise en place de pratiques de biocontrôle nécessite un peu plus de suivi que des traitements conventionnels. Il faut donc prévoir de passer plus de temps lorsqu'on s'engage dans ce type de lutte. Patrice Saussac souligne que certains produits de synthèse sont facilement substituables par du soufre : c'est un premier pas dans le biocontrôle.

Annexes et liens

  • Article rédigé suite à un entretien réalisé avec Patrice Saussac le 05/05/2021.



Leviers évoqués dans ce système

Matériel évoqué dans ce retour d'expérience

Cultures évoquées

Bioagresseurs évoqués dans ce retour d'expérience

Auxiliaires concernés par ce retour d'expérience

Accidents climatiques évoqués

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